Cette affaire concerne un couple qui exploitait un snack marocain. Le couple était poursuivi pour occupation de quatre travailleurs en séjour illégal, diverses préventions de droit pénal social, ainsi que pour traite des êtres humains à l’égard de deux d’entre eux. Leur société, défaillante, était poursuivie comme civilement responsable. Le dossier a été initié suite au dépôt de plainte d’un travailleur auprès de l’inspection sociale. Celui-ci avait contacté un centre spécialisé dans l’accueil des victimes de la traite pour y dénoncer ses conditions d’occupation.

Les prévenus invoquaient l’irrecevabilité des poursuites, la visite domiciliaire initiale ayant été donnée par un juge incompétent (le tribunal de police et non le juge d’instruction). Le tribunal a cependant écarté cet argument, estimant, que même si cette visite domiciliaire était irrégulière, elle n’entraînait pas la nullité des constatations initiales. En effet, l’article 32 du titre préliminaire du code de procédure pénale, entré en vigueur en 2013, soit après la commission des faits et d’application immédiate, ne prévoit pas la nullité en violation d’une forme substantielle touchant à l’organisation des cours et tribunaux. Aucune des autres causes de nullité prescrites par cet article ne sont par ailleurs rencontrées en l’espèce. Le tribunal en conclut que la visite domiciliaire n’était pas entachée d’une irrégularité à ce point grave qu’elle devrait en entraîner la nullité, la nullité des actes qui s’en sont suivis et a fortiori l’irrégularité de l’ensemble des poursuites.

En ce qui concerne la traite des êtres humains, le tribunal a constaté qu’il était certain que les deux travailleurs en question n’ont pas ou ont été très peu payés. Le tribunal a ainsi considéré que le simple fait de ne pas payer à un travailleur la rémunération qui lui est due et de considérer qu’il est « payé » par l’hébergement gratuit et la nourriture gratuite suffit à lui seul à démontrer le caractère contraire à la dignité humaine des conditions dans lesquelles ces travailleurs sont appelés à travailler. Par ailleurs, les prévenus n’ignoraient pas que ces deux personnes se trouvaient en séjour illégal, situation particulièrement précaire puisque celle-ci les rendait dépendantes, pour éviter tout risque d’expulsion, du bon vouloir des prévenus. Il importe peu à cet égard que les travailleurs soient restés plusieurs années à leur service.

La société n’a pas été condamnée comme civilement responsable, les infractions commises ne l’ayant pas été par les mandataires ou préposés.

Le travailleur victime de traite et constitué partie civile s’est vu octroyer 500 euros à titre de dommage moral et 25.000 euros ex aequo et bono d’arriérés de rémunération.

Dans un arrêt du 16 octobre 2018, la cour d’appel de Bruxelles a réformé partiellement la décision. Elle a en effet acquitté les prévenus pour la prévention de traite des êtres humains.