Dans cette affaire, un couple qui exploitait un snack marocain était poursuivi pour occupation de quatre travailleurs en séjour illégal, diverses préventions de droit pénal social, ainsi que pour traite des êtres humains de deux des travailleurs.

Le dossier a débuté suite au dépôt de plainte d’un travailleur auprès de l’inspection sociale. Celui-ci avait contacté un centre spécialisé dans l’accueil des victimes de la traite pour y dénoncer ses conditions d’occupation.

Dans un jugement du 4 septembre 2015, le tribunal correctionnel de Bruxelles avait condamné les prévenus pour traite des êtres humains. Il était attesté que les deux travailleurs n’ont pas ou ont été très peu payés. Selon le tribunal, le simple fait de ne pas payer à un travailleur la rémunération due et de considérer qu’il est « payé » par l’hébergement et la nourriture gratuits suffissent à eux seuls à avérer le caractère contraire à la dignité humaine des conditions de travail. Par ailleurs, les prévenus n’ignoraient pas leur séjour illégal, situation précaire les rendant dépendants, pour éviter tout risque d’expulsion, du bon vouloir des prévenus. Il importe peu à cet égard que les travailleurs soient restés plusieurs années à leur service.

Dans son arrêt, la cour d’appel de Bruxelles va adopter une tout autre position et réformer la décision du tribunal sur ce point. Elle considère qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir comme établi le fait que les deux travailleurs aient été privés de quelque manière que ce soit de leur liberté d’aller et de venir. Par ailleurs, elle estime que les conditions de mise au travail n’apparaissent pas, en tant que telles, révélatrices de conditions contraires à la dignité humaine. Si les horaires de travail sont effectivement lourds, ils n’apparaissent pas totalement en inadéquation avec les horaires habituellement en vigueur dans le secteur de la restauration. De même, si les conditions du logement à l’étage de l’établissement apparaissent relativement rudimentaires, il ne ressort pas que ce logement ait été dépourvu du strict minimum vital le rendant contraire à la dignité humaine.

La cour estime enfin que si les prévenus n’ont pas adéquatement rémunéré les travailleurs pour les prestations effectuées, ce seul élément ne peut suffire à établir qu’ils ont été employés dans des conditions contraires à la dignité humaine. Elle acquitte par conséquent les prévenus de la prévention de traite des êtres humains. Elle retient en revanche les préventions de droit pénal social. Estimant le délai raisonnable dépassé, elle condamne les prévenus respectivement à une simple déclaration de culpabilité et à une suspension du prononcé simple de la condamnation.

Elle confirme les montants octroyés à la partie civile en première instance (500 euros à titre de dommage moral et 25.000 euros ex aequo et bono d’arriérés de rémunération) tout en se déclarant incompétente pour connaître de la demande portant sur la prévention de traite, vu l’acquittement des prévenus de ce chef.