Tribunal correctionnel de Louvain, 12 mai 2015
Dans ce dossier, le prévenu a été poursuivi pour des faits de traite des êtres humains et trafic d’êtres humains survenus entre 2009 et 2010. Le prévenu avait mis sur pied un réseau pour faire venir des étudiants nigérians de manière pseudo-légale en Belgique. Il veillait à ce que les différents ressortissants nigérians reçoivent des documents de séjour en Belgique en tant que candidat étudiant par le biais d’un visa d’étudiant en présentant de faux documents auprès d’une université ou haute école. Les faux documents servaient de base à la constitution d’un dossier pour un visa d’étudiant. Les « étudiants » recevaient une déclaration d’intention et un visa d’étudiant provisoire grâce auxquels ils disposaient d’un an en Belgique pour s’inscrire auprès d’une université ou haute école et pouvaient suivre les cours de néerlandais nécessaires. Les victimes payaient 2.300 euros pour ce faire. Aucun des candidats étudiants ne s’est au final inscrit auprès d’une université ou haute école. Les pratiques ont été mises au jour lorsque l’ambassade belge du Nigeria constata un nombre étonnamment élevé de demandes de visa d’étudiant : 62 étudiants en tout. Il a pu être établi que 19 personnes étaient effectivement venues en Belgique. Le prévenu était aidé par d’autres personnes qui étaient également arrivées en Belgique par son biais. Il les utilisait comme coursier de trafic, réglant des affaires pour son compte. Une personne mettait son compte en banque à disposition, une autre introduisait les dossiers de demande auprès des hautes écoles, etc. Le prévenu utilisait les recettes de ces activités pour investir dans de l’immobilier à Lagos, au Nigeria. Il le faisait également par le truchement d’intermédiaires afin de pouvoir rester aussi longtemps que possible hors des radars.
L’enquête judiciaire a été menée à l’aide de mesures d’écoute, de perquisitions, de déclarations « d'étudiants » et d'administrations d'étudiants, d'une commission rogatoire au Nigeria et d'une enquête financière.
Le prévenu a été poursuivi pour trafic d’êtres humains avec circonstances aggravantes. Il a également été poursuivi pour traite des êtres humains aux fins de contraindre les victimes à commettre un délit contre leur gré, avec circonstances aggravantes. Le prévenu aurait également abusé sexuellement de plusieurs candidats étudiants, et tout particulièrement lorsqu’il apparaissait qu’ils n’avaient pas les moyens de payer. Il aurait évoqué la menace de les renvoyer au Nigeria. Il abusait de la situation vulnérable de ces personnes et aurait obligé plusieurs d’entre elles à entretenir des relations homosexuelles avec lui. Il a également été poursuivi pour usage de faux noms, faux en écriture et blanchiment d’argent d’origine criminelle.
Il aurait également forcé des personnes à lui fournir aide et assistance. Il faisait appel à des coursiers de trafic pour notamment la collecte, l’envoi, la légalisation et la conservation de documents, la réception d'argent, l'accueil des « étudiants » à l'aéroport. L'une des victimes s'était constituée partie civile. Elle affirma avoir été abusée sexuellement par le prévenu pendant des années. La chambre du conseil avait cependant déjà prononcé à l’égard du prévenu un non-lieu pour les faits de viol, attentat à la pudeur et coups et blessures.
Le prévenu n’a pas contesté les faits, mais bien leur nature criminelle. Il voulait aider des compatriotes et agissait pour des raisons humanitaires ou par amitié.
Selon le tribunal, la limite entre traite des êtres humains et trafic d’êtres humains est assez floue et le trafic d’êtres humains peut se muer en traite des êtres humains lorsque le libre arbitre est mis en péril. Le tribunal a estimé établies les préventions de trafic d’êtres humains. La circonstance aggravante de trafic d’êtres humains concernant l’abus de la situation vulnérable n’était cependant pas suffisamment établie pour le tribunal. Il est ressorti du dossier pénal que les (parents des) victimes avaient elles-mêmes (eux-mêmes) pris contact avec le prévenu et négocié avec lui concernant le prix et le procédé (adoption, mariage blanc, etc.). Les faits d’abus sexuels des différents étudiants n’ont pas non plus pu être directement établis sur la base du dossier pénal. Le tribunal a déclaré non établis les faits de traite des êtres humains. Plusieurs victimes avaient, dans le cadre du statut de victime de traite des êtres humains, fait des déclarations accablantes à ce propos. Selon le tribunal, il n’y avait pas assez de preuves objectives que les personnes avaient été mises sous pression par le prévenu pour participer à des activités criminelles. Elles en avaient en effet également tiré un avantage.
Le prévenu avait par le passé déjà été condamné à une peine de travail d’intérêt général pour trafic d’êtres humains. Le tribunal a cependant condamné l’auteur à une peine de deux ans d’emprisonnement, assortie d’une amende élevée et de la confiscation de sommes d’argent.
Myria s’est également constitué partie civile et a reçu une indemnisation de 1 euro. La demande de la victime a été rejetée. En effet, les faits de traite de traite des êtres humains en ce qui la concerne n’ont pas été considérés comme étant établis.
En appel, ce jugement a été partiellement confirmé par la cour d’appel de Bruxelles dans un arrêt du 25 janvier 2017