Le tribunal s’est prononcé sur un dossier de traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle avec circonstances aggravantes et proxénétisme vis-à-vis de plusieurs jeunes victimes roumaines.

Trois prévenus — deux hommes et une femme, tous ressortissants roumains — étaient poursuivis. Ils sont cousins.

L’affaire a été mise au jour à la suite de la transmission d’informations de la police roumaine à la police belge sur la disparition d’une jeune fille qui avait été transportée de Roumanie à un hôtel de Bruges pour y être forcée à se prostituer. Celle-ci a pu s’enfuir et a fait des déclarations à son retour en Roumanie. Elle a affirmé que d’autres filles étaient dans la même situation.

Grâce à des annonces sur un site de rencontres sexuelles, la police a pu retrouver une autre fille. Celle-ci a déclaré que le premier prévenu avait utilisé un prétexte pour l’attirer en Belgique. Elle était amoureuse de lui et il lui avait promis qu’elle pourrait travailler comme femme de ménage en Belgique. Dès son arrivée, elle avait été enfermée dans une chambre d’hôtel et contrainte à se prostituer. Elle devait travailler de 6 heures du matin à plus de minuit, avait entre 25 et 30 clients par jour et n’était pas autorisée à utiliser des moyens de protection, ce qui lui a valu de contracter plusieurs MST. Elle était enfermée dans sa chambre d’hôtel et ses papiers d’identité avaient été confisqués. Pendant cette période, elle gagnait entre 7.000 et 8.000 euros par semaine, qu’elle devait restituer intégralement. Le troisième prévenu transportait l’argent chaque semaine en Roumanie. Elle était battue et menacée, principalement par le premier prévenu qui utilisait une ceinture. Elle a pu s’échapper grâce à l’aide d’un client. Après sa première audition par la police, les prévenus ont informé sa famille de ses activités sexuelles en Belgique, pour que la famille ne veuille plus rien savoir d’elle.

Une autre victime avait déjà réussi à échapper aux prévenus et a pu être identifiée. Elle était également venue en Belgique par l’entremise de la deuxième prévenue, qui lui avait fait miroiter un travail de femme de ménage. Au départ, elle était amie avec ses exploiteurs et a donc été traitée un peu mieux que les autres victimes. Elle a confirmé que ces dernières avaient subi des violences et que leurs papiers d’identité leur avaient été retirés. Des annonces la concernant étaient publiées en ligne et elle recevait les clients à l’hôtel. L’accord prévoyait qu’elle puisse conserver la moitié des revenus, mais que les exploiteurs garderaient sa part et la lui remettraient une fois qu’elle serait rentrée en Roumanie. Elle aurait gagné 8.000 à 9.000 euros par semaine. Elle devait accepter les relations sexuelles non protégées pour attirer plus de clients. Finalement, elle est parvenue à s’échapper.

Le tribunal a estimé que les faits de traite des êtres humains étaient établis, avec circonstances aggravantes. Il y a eu abus de la vulnérabilité des victimes. Il s’agit de jeunes filles qui vivaient dans des conditions financières précaires en Roumanie. L’exploitation sexuelle était organisée dans le cadre d’une association durable dans le temps et était habituelle. Des ruses et de fausses informations étaient utilisées pour attirer les jeunes filles en Belgique et des violences physiques avaient été commises à l’encontre d’au moins une d’entre elles. Par ailleurs, les filles devaient avoir des rapports sexuels non protégés. Les prévenus ont également été condamnés pour exploitation de la prostitution.

Le troisième prévenu a été acquitté pour la prévention de traite des êtres humains. Il allait chercher l’argent et était au courant des activités de prostitution, mais il n’a pas été possible d’établir avec suffisamment de certitude qu’il était responsable du recrutement, du transport, du transfert, de l’hébergement ou de l’accueil des filles, ni qu’il exerçait un contrôle sur elles. Il a toutefois été condamné en tant que coauteur pour exploitation de la prostitution d’une jeune fille.

Les prévenus ont été condamnés respectivement à six ans ferme, cinquante mois (en partie avec sursis) et huit mois avec sursis total, ainsi qu’à des amendes de 16.000 et 4.000 euros. Des confiscations allant de 5.000 à 30.000 euros ont été ordonnées.

Payoke et une victime s’étaient constitués parties civiles. Payoke a obtenu 5.500 euros à titre de dommage matériel. La victime s’est vu attribuer une indemnisation de 80.000 euros à titre de dommage matériel, 1.000 euros pour les frais médicaux liés au traitement des maladies vénériennes contractées, 150 euros de frais administratifs et une indemnisation de 6.000 euros à titre de dommage moral.

Cette décision a fait l’objet d’un appel.