Tribunal correctionnel de Bruxelles, 3 février 2022
Ce dossier concerne une affaire où la prévenue était poursuivie pour traite des êtres humains aux fins d’exploitation de la prostitution et pour exploitation de la prostitution avec la circonstance aggravante de minorité de la victime. La prévenue avait la nationalité belge, mais était ghanéenne d’origine.
Début 2018, une patrouille découvrait dans le quartier de la prostitution une jeune fille apparemment très jeune derrière une vitrine. La jeune fille a déclaré qu’elle avait été amenée du Nigeria en Belgique par sa «madame» pour y travailler. Sa «madame» se trouverait en Espagne. Avant son départ, elle avait dû se soumettre à un serment vaudou. Avant de prêter serment, elle avait été informée qu’elle devrait travailler comme prostituée et qu’elle devrait rembourser une dette de 25.000 euros pour la traversée. Elle était arrivée en Italie par la route libyenne et une traversée en bateau. De là, elle avait été emmenée en Espagne par avion, où elle avait dû se prostituer avec sa «madame». Après quelques mois, elle avait été amenée en Belgique par avion, ce qui lui avait coûté 1.000 euros. Elle avait été hébergée chez la prévenue en périphérie bruxelloise. La prévenue avait initialement pensé que la victime était la sœur de la «madame» en Espagne et s’était mise en colère en découvrant son véritable statut. Après quelques jours, elle avait amené la jeune fille dans le quartier nord de Bruxelles et l’avait mise en contact avec une autre dame avec laquelle elle pouvait travailler dans une vitrine selon le système 50/50 (système «Yemeshe»). La prévenue percevait l’argent pour la «madame» en Espagne. Parallèlement, la victime devait remettre régulièrement de l’argent à la prévenue. Il s’agissait au total de 500 euros, en plus du remboursement de sa dette. La prévenue avait également confisqué son passeport lorsque la victime avait voulu quitter sa maison.
La victime a été assistée par Payoke et a fait savoir durant l’enquête qu’elle avait été contactée par la prévenue et que ses parents subissaient également des pressions de la part de la «madame» en Espagne et de son entourage.
L’enquête a révélé que la victime était encore mineure au début des faits.
La prévenue a été entendue. Elle a indiqué qu’au début, elle ignorait que la jeune fille était victime de traite. Elle a déclaré qu’elle ne voulait pas que la victime se prostitue, mais qu’elle l’avait bien amenée dans le quartier nord personnellement. Elle a également réfuté avoir reçu de l’argent, sauf pour la nourriture, de la part de la victime.
Le tribunal a jugé que les faits de traite des êtres humains étaient établis. « La traite des êtres humains aux fins d’exploitation de la prostitution ne vise pas en tant que telle la personne qui recrute une personne pour l’exploiter elle-même — acte déjà puni par l’article 380 § 1, 1° du Code pénal — mais vise spécifiquement les personnes qui permettent à d’autres de procéder à l’exploitation en contribuant à la « livraison » des victimes pour les faire travailler ensuite dans la prostitution ». La prévenue n’était peut-être pas au courant de la raison et des circonstances de la présence de la victime en Belgique au début, mais après une semaine, elle lui a néanmoins trouvé un endroit pour travailler. Ce faisant, elle a agi d’une manière qui a rendu possible l’exploitation de la prostitution par d’autres. Elle ne l’a pas orientée vers les services d’urgence qui auraient pu la soutenir davantage en raison de sa situation vulnérable et de sa minorité. Cela suffit pour pouvoir parler de traite des êtres humains.
Pour les autres circonstances aggravantes, le tribunal n’a pas trouvé d’éléments suffisants. La prévenue n’a pas voulu délibérément faire partie d’une association, il n’a pas été établi qu’elle voulait abuser de la victime de quelque manière que ce soit, contrairement aux autres personnes directement impliquées dans le transfert. Il n’a pas pu être prouvé que cette activité lui était devenue coutumière. La prévention d’exploitation de la prostitution n’a pas été retenue et la prévenue en a été acquittée.
Elle a été condamnée à une peine d’emprisonnement d’un an et à une amende de 8.000 euros, toutes deux avec sursis de trois ans.
Cette décision est définitive.