Tribunal correctionnel de Bruxelles, 26 mai 2023
Le tribunal a condamné un jeune homme roumain pour traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle, ainsi que proxénétisme, à l’encontre de deux jeunes femmes, dont l’une s’était constituée partie civile. Les faits se sont produits entre décembre 2017 et janvier 2022 à Schaerbeek, ainsi qu’à Nice en ce qui concerne la deuxième victime. Le prévenu a vécu en couple avec la partie civile puis avec la deuxième victime.
Le dossier a démarré lorsqu’en 2019, la partie civile, jeune femme roumaine, s’est présentée aux services de police pour porter plainte à l’encontre du prévenu. Elle déclare avoir rencontré ce dernier en Roumanie lorsqu’elle avait 17 ans, à la sortie de l’école et au restaurant où elle travaillait. Elle vivait seule et ne s’entendait pas avec ses parents. Le prévenu a installé une relation de confiance, via des promesses, et a organisé son arrivée en Belgique, à peine majeure, en lui payant les billets d’avion. Trois jours après leur arrivée, ce dernier lui aurait parlé d’un site pour des massages érotiques et l’a ensuite amenée à se prostituer en vitrine dans la rue d’Aerschot, via des coups et des menaces de mort à son encontre ou sur sa famille. Selon l’enquête, le prévenu a adopté le même comportement à l’égard de la deuxième victime.
La prostitution des victimes était préparée, incitée et organisée avec l’aide de membres de la famille au sens large du prévenu (notamment sa mère, son oncle et ses tantes), tant pour les réservations de places en vitrine et les déplacements que pour les vêtements, les règles de travail, les tarifs ou encore les instructions quant aux réponses à fournir à la police. Un contrôle s’effectuait sur les victimes via des téléphones. La partie civile déclare avoir été logée par la famille pendant près de deux ans et avoir dû se prostituer six jours par semaine, sans protection, avec un revenu moyen quotidien de 900 à 1.000 euros. La majorité des gains étant remise au prévenu, il ressort de l’enquête que seules les activités de prostitution ont constitué une source de revenus pour celui-ci, permettant d’expliquer les transferts de fonds entre ce dernier et différents membres de la famille (surtout à sa grand-mère en Roumanie).
Les deux victimes étaient déjà connues des services de police pour des contrôles dans les bars de la rue d’Aerschot, ainsi que la tante et la belle-sœur du prévenu. Des recherches en source ouverte ont été réalisées, notamment sur les profils Facebook. Sur la base d’une enquête de téléphonie avec des retro-zoller, les contacts entre les membres du clan et entre ces derniers et les victimes ont été confirmés. Des devoirs d’enquête ont été réalisés en Roumanie permettant l’audition de certains membres de la famille ainsi que la saisie conservatoire de biens.
Le tribunal a écarté les dénégations du prévenu, selon lesquelles la victime était consentante à sa prostitution sans contraintes ni menaces exercées à son encontre, en rappelant que le consentement n’est pas élusif des infractions de traite et de proxénétisme. Ces éléments (contraintes et menaces) relèvent de circonstances aggravantes qui, en l’espèce, n’ont pas été retenues à charge. Celle d’activité habituelle a toutefois été retenue, la situation ayant été répétée avec la deuxième victime et perduré dans le temps. Le tribunal a également pris en compte le principe d’application pénale dans le temps concernant l’entrée en vigueur de la loi pénale sexuelle du 21 mars 2022.
Le prévenu est condamné, pour traite et proxénétisme, à 40 mois d’emprisonnement avec sursis partiel et 16.000 euros d’amende. Une indemnisation de 25.000 euros et de 5.000 euros pour les préjudices matériel et moral subis par la partie civile a été ordonnée. Toutefois, le juge a rejeté sa demande d’interdiction d’entrer en contact envers elle-même et sa fille, au motif que la disposition du Code pénal en question est applicable pour d’autres types d’infractions et que la victime n’était pas mineure lors de la commission des faits. Le tribunal a également ordonné la restitution d’une maison et de nombreux terrains, véhicules et sommes à trois membres de la famille du prévenu, en tant que parties intervenantes volontaires au procès.
Cette décision a fait l’objet d’un appel.