Tribunal correctionnel francophone de Bruxelles, 15 juillet 2022
Dans ce dossier, six prévenus (un Belge d’origine roumaine et cinq Roumains) étaient poursuivis pour association de malfaiteurs, traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle avec circonstances aggravantes, embauche et exploitation de la prostitution avec circonstances aggravantes à l’égard d’un grand nombre de victimes, dont certaines restées non identifiées. Les faits ont été commis dans plusieurs communes de Bruxelles, entre mai 2020 et juin 2021. Suite à la modification du droit pénal sexuel, le tribunal a requalifié les préventions d’embauche en vue de la prostitution d’autrui et d’exploitation de la prostitution d’autrui en prévention de proxénétisme.
Le dossier a démarré sur la base d’un recueil d’informations obtenues de sources policières. En janvier 2021, les services de police avaient appris qu’une organisation pourrait être active dans l’exploitation de la prostitution. Le recoupement d’informations récoltées suite à la consultation ouverte de profils Facebook et de données policières avait permis l’identification de divers prévenus et victimes. Les services, contrôlant les activités de prostitution via le site « Quartier-Rouge », avaient en effet contacté un numéro de téléphone mentionné sur une des annonces. Le rendez-vous fixé avait permis à la police de prendre connaissance d’un appartement dans un immeuble où se trouvaient trois prostituées et quatre hommes, et de procéder à un relevé d’identités et de données téléphoniques. Par la suite, la police a pu faire le lien entre les numéros de téléphone, des comptes et adresses mails de référence et les annonces publiées. Une analyse des téléphones (« retro-zoller »), le contrôle d’un véhicule utilisé pour le transport des filles et des photos de vérification ont également permis d’identifier d’autres prévenus et victimes et d’établir les liens entre eux. Le recours à des écoutes téléphoniques a confirmé les contacts entre les différents prévenus et leur implication dans les faits à des degrés divers.
Le tribunal retient la prévention de traite pour 11 victimes identifiées. Dix d’entre elles étaient également concernées par la prévention requalifiée en proxénétisme, avec sept autres victimes identifiées. Les deux préventions concernaient également un nombre indéterminé de victimes inconnues.
Le premier prévenu a bénéficié de la traite de huit personnes identifiées. Il était le compagnon de deux d’entre elles, dont une qu’il avait fait venir des Pays-Bas. Selon l’une d’entre elles, elle remettait à la troisième prévenue 250 euros sur 1.000 euros gagnés et le reste au premier prévenu qui la conduisait sur place. L’analyse de son téléphone et les écoutes téléphoniques ont démontré que ce dernier avait fait preuve de violence et de menaces à son encontre, notamment lors de leur rupture. Il exerçait un rôle central dans la mise à disposition des logements. L’appartement qu’il louait a servi de lieu pour recevoir les clients. Les victimes étaient soit hébergées dans un des appartements loués par le prévenu soit, en lien avec les annonces sur « Quartier-Rouge », se prostituaient à l’hôtel.
Le deuxième prévenu était le conducteur principal du véhicule qui transportait les filles. Il a profité de la traite de deux personnes identifiées. Sa participation à l’association était moindre. Une des victimes était présente à son domicile, où elle logeait, lors d’une perquisition effectuée en juillet 2020. Elle lui remettait une partie de l’argent issu des passes pour payer le loyer. Il vivait également avec une deuxième victime qui se prostituait dans le logement.
La troisième prévenue, ancienne compagne du deuxième prévenu, gérait les annonces sur « Quartier- Rouge », les rendez-vous, la négociation des prix et le paiement des prestations. Elle a profité de la traite de cinq personnes identifiées. Elle était en contact avec le premier prévenu, qui lui communiquait des adresses où les prostituées pouvaient travailler et être logées. Une victime a déclaré qu’elle remettait un cinquième de ses gains à la prévenue. Cette dernière a été condamnée à une peine de travail autonome de 250 heures.
Le quatrième prévenu, en état de récidive légale, a comparu détenu dans l’attente d’une extradition vers l’Autriche. Le premier prévenu l’avait engagé comme chauffeur. L’analyse de messages WhatsApp dans son téléphone a démontré sa participation à l’activité de prostitution de femmes pour son compte et à la traite d’une victime identifiée.
Le cinquième prévenu, défaillant au procès, avait bénéficié de la traite de trois personnes identifiées. Compagnon d’une des victimes, avec laquelle il était domicilié, il était impliqué dans l’occupation des appartements.
Le sixième prévenu a profité de la traite de deux victimes identifiées. Il exerçait un ascendant sur une des victimes avec qui il vivait.
Les peines prononcées varient entre deux et six ans d’emprisonnement et entre 8.000 et 72.000 euros d’amende, avec sursis pour certains prévenus. Le tribunal a ordonné la restitution du véhicule utilisé pour le transport des victimes (ou sa contre-valeur) à sa propriétaire, partie intervenante volontaire roumaine ayant comparu au procès.
Cette décision est définitive pour les prévenus condamnés contradictoirement.