Six prévenus, dont trois femmes (l’une d’entre elles étant l’ex-compagne et mère de la fille du principal prévenu) étaient poursuivis à des titres divers pour différentes préventions  : traite des êtres humains de mineures et majeures, embauche en vue de la prostitution et exploitation de la prostitution de mineures et majeures, association de malfaiteurs. Le prévenu principal, de nationalité française, et une autre prévenue étaient également poursuivis pour publicité pour des offres de services à caractère sexuel, et avec un autre prévenu, pour coups et blessures.

Le prévenu principal, en état de récidive légale, était également visé par des préventions d’usurpation d’identité, d’entrave méchante à la circulation, de détention illégale d’arme à feu, de vol, de mise hors d’usage de véhicule, de faux et usage de faux, de rébellion armée. Un autre prévenu était également poursuivi pour séquestration d’une victime et deux autres prévenus pour recel de criminels.

Le dossier est initié lorsque, en septembre 2019, la police intervient dans un hôtel liégeois suite à l’appel du personnel ayant découvert une arme et des munitions dans une chambre dont les occupants prennent la fuite dans un véhicule pris en chasse. Les occupants sont identifiés comme étant une jeune fille mineure française, signalée en fugue par ses parents : le prévenu principal, lui aussi français et une autre personne non poursuivie dans ce dossier. La location de la voiture a été effectuée par cette dernière personne et la location de la chambre d’hôtel par le frère de celle-ci. Le prévenu principal arrive à prendre la fuite et semble avoir été blessé.

La jeune fille mineure se prostituait via le site «quartier rouge » sous divers surnoms et aurait utilisé, pour valider son identité, celle de sa sœur qui ne se prostitue pas et vit chez ses parents en France.

Le 15 janvier 2020, les policiers sont informés qu’une jeune femme se livre à la prostitution dans un studio à Liège. II y aurait un va-et-vient continu dans cet immeuble depuis plusieurs semaines. Elle serait toujours accompagnée d’au moins un des 4 individus qui se déplacent au moyen de véhicules de location. La jeune fille mineure française se prostituerait également à cette adresse. Les jeunes femmes seraient encadrées dans leurs activités par deux hommes.

Des enquêtes de voisinage sont réalisées ainsi que des vérifications sur le site «quartier rouge » et le numéro de l’une des prévenues est mis sur écoute. Il s’avère que la jeune fille mineure est en couple avec le prévenu principal. Il sont tous deux originaires de la même commune française. Ils se seraient aussi rendus ensemble dans le sud de la France avec une autre jeune femme où leur activité de prostitution aurait perduré. En février 2020, suite à une violente dispute sur l’autoroute du retour de France, la jeune fille mineure serait rentrée dans sa famille et aurait déposé plainte auprès des autorités françaises à l’encontre du prévenu principal pour exploitation de la prostitution.

D’autres jeunes femmes se prostituant pour le compte des prévenus dans des hôtels de la région liégeoise seront encore identifiées par la suite.

Le prévenu principal invoquait plusieurs arguments de procédure, dont la violation du procès équitable et les droits de la défense, arguments rejetés par le tribunal.

Le tribunal retient la plupart des préventions de traite des êtres humains à l’égard du prévenu principal. Pour la jeune fille mineure qui était sa petite amie, il estime ainsi que les éléments constitutifs de cette prévention sont réunis en l’espèce, la jeune fille ayant été sans conteste été accueillie, hébergée, transportée, contrôlée à des fins d’exploitation de prostitution.

Il se fonde sur les éléments suivants : une «prise de contrôle » consistant en un ascendant sur la victime, adoptant une attitude d’attachement amoureux. Cette prise de contrôle est démontrée par les écoutes téléphoniques, les auditions de la victime, de différents témoins et d’autres prévenus. L’ex-compagne du prévenu a expliqué que le prévenu faisait croire à la jeune victime qu’il était en couple avec elle pour qu’elle se prostitue. Elle lui remettait l’argent qu’elle gagnait et il louait des airbnb et des voitures. Il la véhiculait sur les lieux de ses différents rendez-vous (chez les clients, dans des appartements et aux hôtels). La victime a également subi des violences du prévenu.

Le prévenu principal utilisait la même technique de recrutement avec d’autres victimes, fonctionnant par la séduction et la comparaison avantageuse vis-à-vis d’autres proxénètes.

Le tribunal retient également certaines préventions de traite des êtres humains pour un autre prévenu. Il transportait la jeune fille mineure française et s’occupait des locations de chambres et ce, même s’il pas perçu directement l’argent du travail de la jeune fille. Il conduisait et surveillait aussi d’autres jeunes femmes.

Il la retient également pour un troisième prévenu qui recrutait et contraignait lui aussi des jeunes femmes à se prostituer. Il était présent dans les hôtels et a été vu sur les photographies de capture d’écran de l’hôtel. Il mettait aussi des annonces sur Snapshat pour recruter des filles majeures.

Le tribunal retient les circonstances aggravantes de minorité de certaines victimes, d’abus de la situation vulnérable par le fait de leur situation sociale précaire (isolées, en fugue, à la rue, etc.). Il retient également celle de violences, menaces, contrainte, qui ressort des auditions de certaines victimes et de témoins, ainsi que de la téléphonie. Les jeunes filles ont peu de liberté d’action, logent avec les personnes qui les surveillent et sont déplacées régulièrement de leur lieu de travail et de logement. De même, il déclare établies les circonstances aggravantes d’activité habituelle et d’association.

Le tribunal condamne les prévenus masculins pour la plupart des préventions d’embauche en vue de la prostitution. Il rappelle à cet égard que l’élément matériel de cette prévention est l’embauche, l’entraînement, le détournement ou la rétention, même de son consentement, d’une personne. Cela peut viser tout acte matériel, en ce compris les conseils ou les renseignements donnés par lequel l’auteur amène une personne à se livrer à la prostitution. L’élément moral est l’intention de satisfaire les passions d’autrui. II n’est pas exigé que l’auteur agisse dans l’intention de réaliser un bénéfice pour lui-même ou pour autrui. L’embauche en vue de satisfaire les passions d’autrui n’exclut cependant pas le but de lucre.

Il retient également la plupart des préventions d’exploitation de la débauche et de la prostitution pour deux d’entre eux.

Le prévenu principal est condamné pour la plupart des autres préventions qui lui sont reprochées.

Le tribunal acquitte en revanche les prévenues des préventions de traite des êtres humains, estimant qu’une forme de contrainte pour obtenir le consentement, un abus de vulnérabilité et une finalité, soit l’exploitation sexuelle des jeunes filles visées, ne sont pas démontrés. Il les acquitte également des préventions d’embauche et d’exploitation de la prostitution qui leur sont reprochées.

Le tribunal condamne le prévenu principal, en état de récidive légale, à une peine d’emprisonnement de 8 ans, à une amende de 8.000 euros, multipliée par le nombre de victimes (6), soit 48.000 euros, à une interdiction de droits et à une peine de confiscation par équivalent forfaitaire d’une somme de 30.000 euros.

Les deux autres prévenus sont condamnés à des peines respectivement de 20 mois et 3 ans, avec sursis partiel et à des peines d’amende avec sursis total.

Myria, qui s’était constitué partie civile, reçoit un euro définitif.

Ce jugement est définitif.