Cour d’appel de Liège, 15 mars 2022
Ce dossier concerne de jeunes adolescentes exploitées par la technique du loverboy.
Quatre prévenus (dont une femme) étaient poursuivis pour diverses préventions : traite des êtres humains, incitation et exploitation de la prostitution, publicité pour la prostitution de mineurs, toutes avec des circonstances aggravantes, ainsi que pour association de malfaiteurs. Les victimes étaient quatre jeunes adolescentes, mineures au moment des faits, dont trois âgées de moins de seize ans. Elles ont été exploitées à Liège, Arlon et Bruxelles entre novembre 2019 et décembre 2020. La prévenue a bénéficié de la clause de non-sanction.
Le dossier a démarré lorsqu’en 2020, un client signale à Child Focus avoir pris un rendez-vous via une annonce sur le site internet « Quartier-Rouge » avec une prostituée qui semblait mineure, dans un appartement à Liège. La jeune fille a été auditionnée de manière vidéo-filmée. Deux perquisitions y furent réalisées. Deux autres adolescentes ont ensuite porté plainte et déclaré s’être prostituées par le biais de « Quartier- Rouge ». Elles ont affirmé avoir été présentées à la première adolescente qui les avaient convaincues de se livrer à l’activité et mises en contact avec les prévenus. Les adolescentes ont expliqué dans leur audition avoir connu une quatrième victime, ce qui a été corroboré par l’analyse du téléphone d’un prévenu et des coordonnées et photographies liées aux annonces publiées sur le site « Quartier-Rouge », bien que cette dernière ait nié s’être prostituée.
Dans un jugement du 15 juillet 2021, le tribunal correctionnel de Liège avait retenu l’ensemble des préventions à l’égard des prévenus masculins.
Le premier prévenu, italien, exploitait la prostitution des deux premières adolescentes. Il adoptait l’attitude du loverboy.
Le tribunal avait acquitté la deuxième prévenue, belge, de toutes les préventions reprochées, alors même qu’elle les reconnaissait. Elle-même prostituée par le passé, elle était en couple avec le premier prévenu et aurait été enfermée et violentée à plusieurs reprises lorsqu’ils vivaient ensemble.
Le troisième prévenu, belge, était en couple avec trois des quatre adolescentes après les avoir accostées dans la rue. Il les avait convaincues de se prostituer et exploitait leur prostitution. Il gérait les annonces, la surveillance, le transport et l’hébergement. La troisième victime avait notamment fugué plusieurs semaines avec l’intéressé. Lorsque les victimes changeaient d’avis, le prévenu faisait usage de violence.
Le quatrième prévenu, belge, en état de récidive légale et défaillant au procès, exploitait la prostitution de deux d’entre elles et prenait 20% des gains. Il était chargé du transport, des annonces, des clients et de l’hébergement.
Concernant la traite des êtres humains, le tribunal avait retenu les circonstances aggravantes de minorité, d’activité habituelle, d’abus de situation de vulnérabilité, d’association et de violences, menaces et contrainte sur la base des éléments suivants : le logement des filles avec des personnes qui les surveillaient, plus particulièrement quand elles recevaient des clients ; le déplacement régulier du lieu de travail/de logement ; l’absence de liberté d’aller et venir et d’autonomie dans l’organisation de leur travail.
Les peines prononcées variaient entre 3 et 7 ans d’emprisonnement et 24.000 euros et 32.000 euros d’amende. Deux victimes étaient représentées au procès par leurs parents, représentants légaux constitués parties civiles (dont l’un faisant défaut), en cette qualité et en leur nom personnel. Le tribunal avait solidairement condamné les trois prévenus à leur verser respectivement 1.000 euros en leur qualité de représentants légaux, ainsi que 500 euros en leur nom personnel.
Le troisième prévenu a interjeté appel. La cour d’appel a estimé que toutes les préventions reprochées au prévenu demeuraient établies et a confirmé tant la peine d’amende que la condamnation au civil. Toutefois, l’arrêt de la cour a porté sa peine d’emprisonnement à 10 ans (au lieu de 7 ans), en raison notamment de l’extrême gravité des faits et du nombre de victimes.