Cour d’appel de Liège, 18 janvier 2022
La cour d'appel s’est penchée sur l’affaire Mawda après la décision rendue le 31 mars 2021 par le tribunal correctionnel de Liège. La cour d’appel a été amenée à rejuger des faits de trafic d’êtres humains dans le dossier en lien avec le décès de Mawda, cette fillette kurde décédée suite à un tir policier dans le cadre d’une course-poursuite avec la camionnette transportant les migrants. Le volet relatif au tir policier avait été jugé par le tribunal correctionnel de Mons le 12 février 2021. Les faits de trafic ont, quant à eux, été jugés en première instance par le tribunal correctionnel de Liège le 31 mars 2021. Il concerne six prévenus irakiens, dont trois n’ont pas comparu. Ils sont poursuivis pour trafic d’êtres humains avec circonstances aggravantes, dont la mise en danger de la vie des victimes et la minorité de certaines d’entre elles la nuit fatale. Les migrants transportés sont de diverses nationalités : irakienne, syrienne, pakistanaise, iranienne et afghane. Sont ainsi notamment poursuivis le chauffeur présumé de la camionnette (condamné dans le dossier montois) et le passeur (acquitté dans le dossier montois). Ce dernier est également poursuivi pour quelques autres préventions de trafic d’êtres humains, ainsi qu’un autre prévenu. Tous les prévenus sont poursuivis pour participation à une association de malfaiteurs et pour séjour illégal. Les parents de la fillette décédée se sont constitués parties civiles en leur nom personnel et en qualité de représentants légaux de leur fils. Myria est également partie civile.
Le dossier est initié lorsque début mai 2018, les enquêteurs de la police fédérale de Liège rédigent un procès-verbal initial relatant qu’un groupe irako-kurde serait actif dans le trafic d’êtres humains. Les migrants transiteraient par la région liégeoise. Ce trafic de migrants originaires de Syrie et d’Irak serait organisé entre la France, la Belgique et d’autres pays, à destination de l’Angleterre. Le modus operandi consisterait à regrouper les migrants dans un camp à proximité de Dunkerque. Des groupes accompagnés chacun par un passeur seraient ensuite pris en charge en camionnettes munies de fausses plaques d’immatriculation. Ces véhicules seraient conduits par deux chauffeurs, faisant le tour des parkings autoroutiers durant la nuit afin de trouver l’opportunité de monter à bord de camions à destination de la Grande-Bretagne. Le paiement du trajet entre Dunkerque et la Grande-Bretagne se ferait à l’arrivée. Pour bénéficier du passage, les migrants devraient toutefois garantir la somme via un «bureau» de transfert de fonds, tel que Western Union, en communiquant le nom du bénéficiaire et le code de l’opération. L’enquête menée à Liège par la police conduit à penser que certaines organisations achètent essentiellement à Liège auprès d’un même garagiste, des camionnettes qui seront ultérieurement aménagées (suppression de la paroi de séparation entre la partie conducteur et la partie chargement) et munies de fausses plaques.
Le 17 mai 2018, une course-poursuite est engagée par la police sur l’autoroute en direction de Mons, à l’encontre d’une camionnette munie de fausses plaques, laquelle quitte une aire de stationnement. Le conducteur adopte une conduite mettant en danger tant ses passagers que les autres usagers, puis refuse d’obtempérer aux injonctions policières. Les vitres arrière (opacifiées par de la peinture noire) sont brisées et les occupants lancent des objets, afin d’entraver la circulation des autres véhicules, dont celui des policiers. Un enfant en bas âge sera même exhibé. Après le tir d’un policier, la camionnette sera immobilisée, ce qui permettra d’y découvrir une trentaine de personnes entassées, le conducteur s’étant mêlé aux passagers. Une fillette irakienne, atteinte par le tir, est décédée.
Une enquête est initiée en vue d’identifier le ou les chauffeurs, ou les convoyeurs, passeurs et organisateurs de ces trafics. Divers moyens d’enquête ont été utilisés (recherche en source ouverte sur les réseaux sociaux, analyse des GSM, analyses ADN et dactyloscopie (empreintes digitales), etc.). Des témoins anonymes ont également été entendus
Le tribunal avait considéré qu’il était bien question de trafic d’êtres humains et avait condamné les prévenus pour la plupart des faits reprochés.
Le passeur (acquitté dans le dossier montois) et un autre prévenu, qui a conduit la camionnette au départ puis a pris la place du convoyeur, ont interjeté appel de la décision. Le premier affirmera n’être qu’un migrant parmi d’autres, ce qui est démenti par plusieurs pièces du dossier.
Dans son arrêt du 18 janvier 2022, la cour d’appel de Liège confirme les condamnations prononcées en première instance.