Un prévenu belge d’origine indienne était poursuivi pour traite des êtres humains aux fins d’exploitation économique à l’égard de trois ressortissants indiens qu’il aurait exploités dans son restaurant. Ces derniers se sont constitués partie civile. L’un de ceux-ci, fils de l’un des travailleurs, était mineur (16 ans) au moment d’une partie des faits. Le prévenu était également poursuivi pour trafic d’êtres humains et diverses préventions de droit pénal social (notamment non-paiement de la rémunération, non-déclaration des prestations à l’ONSS, absence d’assurance contre les accidents du travail). Il était également poursuivi, avec une autre prévenue, pour aide au séjour illégal (avoir hébergé 8 ressortissants indiens). Le restaurant a fait l’objet de trois contrôles successifs de l’inspection sociale (en 2012 et les deux autres en 2015). Lors du premier contrôle, deux personnes prennent la fuite, manifestement suite à l’injonction donnée par le prévenu. Il s’agissait de deux des trois travailleurs constitués partie civile, par ailleurs présents dans la cuisine lors des contrôles subséquents. Ils sont les oncles du prévenu principal. Le troisième travailleur (mineur au moment du premier contrôle) sert les clients. Les familles de deux des travailleurs (dont le mineur) vivent dans le sous-sol du restaurant.

En première instance, dans un jugement du 22 novembre 2017, le tribunal correctionnel de Namur avait estimé établies l’ensemble des préventions. Le prévenu principal et le ministère public ont fait appel.

La cour d’appel de Liège confirme globalement le jugement de première instance. La cour estime les éléments constitutifs de la traite des êtres humains réunis en l’espèce. Elle considère que le prévenu a bien recruté, hébergé et accueilli ses oncles et leur famille afin de les exploiter dans le cadre de son restaurant. L’exploitation ressort des déclarations circonstanciées et concordantes des parties civiles et de leurs proches, ainsi que des constatations des enquêteurs. L’atteinte à la dignité humaine est établie en raison de la rémunération (500 euros par travailleur par mois), le temps de travail qui pouvait atteindre 67 heures par semaine, le travail non déclaré réalisé par des personnes en séjour irrégulier et sans permis de travail, les conditions de vie extrêmement difficiles (logement au sous-sol du restaurant, totalement inadapté au séjour d’une famille), la totale dépendance à l’égard du prévenu (le passeport des victimes était dissimulé dans le conduit d’une cheminée). La cour estime qu’il importe peu que le prévenu ait également dormi au sous-sol, qu’il se soit occupé de la scolarité ou des démarches (infructueuses) auprès d’avocats, rappelant que les standards belges priment sur les standards indiens.

Même si les déclarations des parties civiles ont évolué avec le temps, la cour l’explique par l’évolution de leur contexte de vie : fuite lors du premier contrôle ; maintien obligatoire du contact sur place avec le prévenu qui les exploitait alors qu’elles en étaient dépendantes en raison de leur situation de séjour illégal lors du second contrôle ; prise en charge par un centre d’accueil spécialisé à l’issue du troisième contrôle, permettant de leur expliquer leurs droits, ce qu’elles ignoraient jusque-là.

La cour retient les circonstances aggravantes d’autorité et d’abus de la situation vulnérable. Elle ajoute également celle de la minorité d’une des victimes, face à laquelle le prévenu a été amené à se défendre. La cour estime que la prévention de trafic d’êtres humains est également demeurée établie : le prévenu a permis le séjour en Belgique des parties civile et de leur famille, non ressortissants de l’Union européenne. Le prévenu en a retiré un avantage patrimonial en les occupant pour un salaire largement en dessous du salaire minimum tout en éludant les diverses cotisations sociales.

La cour confirme les condamnations civiles et les peines prononcées en première instance (mais accorde un sursis total pour l’entièreté de la peine d’amende).