La cour d’appel de Bruxelles a rejugé une affaire de traite des êtres humains dans le secteur de la construction, jugée en première instance par le tribunal correctionnel de Bruxelles le 26 juin 2017.

Dans cette affaire, un Belge, gérant de société, ainsi que sa société étaient prévenus de traite des êtres humains aux fins d’exploitation économique à l’égard d’un travailleur tunisien, constitué partie civile. Ils étaient également poursuivis, avec un autre prévenu, co-gérant, pour diverses préventions de droit pénal social (occupation de travailleur étranger sans droit de séjour, absence de déclaration DIMONA, non-déclaration de prestations à l’ONSS, non-paiement de la rémunération).

L’entreprise dont le prévenu principal est le gérant a pour activité la rénovation d’immeubles et la location, notamment sous forme d’appart-hôtel. Ce prévenu a toujours été le dirigeant de droit ou de fait de l’entreprise, tout en faisant désigner d’autres gérants durant les périodes où il était en incapacité temporaire de travail.

Le dossier a démarré par un contrôle de l’inspection sociale dans les locaux de la société suite à des « informations » reçues. Le travailleur y était présent et les inspecteurs constatent la précarité du logement (local qui sert d’atelier et de remise, un divan qui sert de lit, absence de point d’eau et de toilette, absence de cuisine, logement humide, installation électrique vieillotte et dangereuse). Le travailleur explique servir d’homme à tout faire dans les appart-hôtels loués par le prévenu principal (répandre de l’insecticide, porter des bagages ou des meubles), occuper ce logement depuis 1 an et devoir se rendre à la piscine communale pour se laver.

Le prévenu explique avoir rencontré le travailleur, sans titre de séjour ni permis de travail, lorsqu’il résidait lui-même dans le même immeuble dans des conditions précaires et lui avoir proposé de vivre, sans avoir à payer de loyer, dans un bureau inoccupé dans lequel il avait lui-même vécu. Le tribunal a constaté que le cadre de vie était inadapté à une habitation. Par ailleurs, le travailleur, qui devait être disponible dès qu’un service lui était demandé, n’était pas payé et il recevait de temps en temps 100 euros. Les travaux ont commencé ensuite à être plus conséquents (travaux d’entretien).

Le tribunal avait dès lors retenu à l’encontre du prévenu principal et de sa société la prévention de traite des êtres humains. Il n’a pu ignorer en effet qu’il soumettait le travailleur à des conditions de travail contraires à la dignité humaine en l’installant dans un lieu insalubre et en lui demandant des services non rémunérés conformément aux barèmes légaux, sans considération pour la sécurité ou l’hygiène sur le lieu de travail, sans protection sociale, sans horaire de travail, et en attendant de lui une disponibilité chaque fois qu’un service lui serait demandé. Le tribunal a également retenu à l’égard du prévenu et de sa société les préventions de droit pénal social.

Il l’a condamné à 20 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 6.000 euros et la société à une amende de 12.000 euros. Il ordonne par ailleurs la réouverture des débats à une audience ultérieure pour statuer sur les demandes civiles (du travailleur et du centre d’accueil qui l’a pris en charge) dans la mesure où les prévenus ne se sont pas expliqués en conclusions sur les demandes civiles.

Le gérant et la société ont interjeté appel de la décision. La société n’a pas comparu en appel.

La cour d’appel de Bruxelles a confirmé les condamnations prononcées en première instance.