Conseil d’état , 17 mai 2016
La société exploitante et le gérant d’un café situé dans le quartier de la prostitution d’Anvers avaient introduit en extrême urgence une requête en suspension devant le Conseil d’État. Cette requête visait à obtenir la suspension de l’exécution de l’interdiction du bourgmestre d’Anvers d’exercer une quelconque activité ou exploitation au sein de ce café pour une période de 3 mois, sous peine d’astreinte de 3.000 euros par jour en cas de non-respect.
Cette décision du bourgmestre avait été prise sur base de l’article 134quinquies de la nouvelle loi communale. Cet article stipule que « lorsqu’il existe des indices sérieux selon lesquels se déroulent dans un établissement des faits de traite des êtres humains tels que visés à l’art. 433quinquies du Code pénal ou des faits de trafic des êtres humains tels que visés à l’art. 77bis de la loi du 15 décembre 1980 relative à l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, le bourgmestre peut, après concertation préalable avec les autorités judiciaires et après avoir entendu le responsable dans ses moyens de défense, décider de fermer cet établissement pour une durée qu’il détermine. (…). Le bourgmestre est habilité à apposer des scellés si l’arrêté de fermeture n’est pas respecté. (…). La fermeture ne peut excéder un délai de six mois. La décision du bourgmestre est levée à l’échéance de ce délai ».
Les requérants avaient déjà été entendus deux ans auparavant à ce sujet par le bourgmestre, qui leur avait fait part de son intention de fermer l’établissement sur base de cet article. Finalement, il avait décidé de ne pas le faire mais les requérants avaient été formellement avertis et il leur avait été explicitement demandé de mettre fin à tout comportement au sein de l’établissement portant atteinte à l’ordre public et à la sécurité. Il leur avait été également communiqué qu’en cas de constats de nouveaux faits liés à la traite des êtres humains, l’on n’allait pas hésiter à prendre des mesures. C’est ce qui fut fait avec une décision du bourgmestre du 29 avril 2016. Celui-ci s’était précédemment enquis auprès du procureur du Roi s’il avait des objections à formuler. Le procureur déclara n’en avoir aucune, étant donné par ailleurs que deux dossiers pénaux étaient en cours au sein de son office concernant cet établissement. Il s’agissait en l’espèce d’enquêtes concernant un trafic de jeunes femmes nigérianes, qui lors de leur arrivée en Belgique, étaient amenées par leur exploitant à l’établissement en question, afin d’y recruter des clients en tant que prostituées et de remettre ensuite l’argent gagné au proxénète.
Les requérants invoquaient plusieurs moyens à l’appui de leur demande. Le premier invoquait la violation des droits de la défense lors du traitement de la procédure administrative visant la fermeture de l’établissement. Un autre le fait que la décision contestée n’était pas suffisamment motivée. Dans l’arrêt, le Conseil d’État a rejeté ces deux moyens. En ce qui concerne la motivation de l’acte contesté, il souligne notamment, reprenant des extraits de cet acte, qu’il apparait clairement de nombreux éléments que l’exploitante a apporté sa collaboration aux pratiques illégales en facilitant les « conditions » de travail des jeunes femmes africaines dans son établissement, ce qui lui rapportait de l’argent et contribuait à sa réputation.
Les requérants invoquaient également un troisième moyen selon lequel la mesure prise serait disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, moyen également rejeté par le Conseil d’État. La décision prise ne contient en effet pas la durée maximale possible, celle-ci étant de 6 mois. Par ailleurs, les requérants avaient déjà été précédemment avertis que si des faits se reproduisaient, la commune procéderait à la fermeture de l’établissement. Il était par ailleurs à craindre que ces faits se reproduisent. Au lieu de prendre les mesures en vue de combattre la problématique de la traite ayant lieu au sein de leur établissement, les requérants la minimisaient, voire la niaient.
Le Conseil d’État a dès lors rejeté la requête en suspension en extrême urgence.