Un prévenu belge d’origine pakistanaise était poursuivi pour traite des êtres humains avec circonstances aggravantes et diverses préventions de droit pénal social. Des préventions de harcèlement moral au travail et de détention arbitraire à l’égard d’un travailleur qu’il employait illégalement dans son magasin lui étaient également reprochées. Deux autres prévenus (le frère et le neveu du principal prévenu) étaient poursuivis pour coups et blessures volontaires à l’égard de ce même travailleur et d’un autre travailleur. La société du premier prévenu était citée comme civilement responsable.

En première instance, dans un jugement du 4 décembre 2017 (inédit), le tribunal correctionnel de Charleroi avait acquitté le prévenu principal de la prévention de traite des êtres humains, ainsi que pour les faits de harcèlement moral au travail et de détention arbitraire. Il n’avait retenu que les préventions de droit pénal social. Le tribunal avait également acquitté les deux autres prévenus de la prévention de coups et blessures.

Le ministère public a interjeté appel du jugement contre l’acquittement du prévenu pour les faits de traite des êtres humains, de harcèlement moral au travail et de détention arbitraire.

Contrairement au tribunal, la cour d’appel de Mons va déclarer établis les faits de traite des êtres humains.

Dans une motivation détaillée, où elle rappelle les éléments constitutifs de l’infraction, elle considère qu’ils sont réunis sur base de plusieurs éléments :

  • les déclarations circonstanciées du travailleur qui explique avoir été pris en charge par le prévenu en arrivant à la gare de Charleroi, avoir été hébergé à l’arrière du commerce, avoir travaillé pour lui tous les jours et de très nombreuses heures par jour (de 5 h du matin à tard le soir), ne pas pouvoir sortir du magasin sauf dans le cadre de son travail, notamment pour aller travailler dans l’autre magasin du prévenu, être enfermé tous les soirs par le prévenu dans sa chambre, ne pas avoir de contrat de travail, ne pas avoir été payé mis à part un tout petit peu d’argent liquide de temps en temps, avoir reçu des coups en cas de réclamation ;
  • les déclarations de témoins (notamment sur le fait que le travailleur dort dans une pièce fermée par un cadenas) ;
  • les constatations des services de police (notamment sur la configuration des lieux de travail et de logement de la victime) et des inspecteurs du contrôle des lois sociales ;
  • les images de vidéosurveillance du magasin permettant de constater la mise au travail journalière du travailleur de nombreuses heures et le fait qu’il soit reconduit à son logement par le prévenu, ce dernier le suivant pour refermer la grille ;
  • les déclarations du prévenu et de membres de sa famille, ainsi que le caractère invraisemblable, évolutif et contradictoire des déclarations du prévenu.

Par conséquent, la cour estime que le travailleur a bien été recruté, hébergé et contrôlé par le prévenu aux fins de mise au travail dans des conditions contraires à la dignité humaine — à apprécier suivant les normes belges et non la culture pakistanaise (horaires lourds de travail, diverses infractions au Code pénal social, conditions de vie et de logement de la victime) —.

La cour relève également, contrairement à ce qui avait été retenu par le tribunal, que le fait que la victime ait pu avoir une certaine liberté de mouvement en journée et ait disposé d’un téléphone ne change rien à la commission de l’infraction.

La cour retient également les circonstances aggravantes d’abus de la situation vulnérable, de contrainte (par l’obligation de résider sur le lieu de travail sans pouvoir le quitter), d’autorité sur la victime.

La cour réforme également le jugement concernant les préventions de harcèlement moral au travail et de détention arbitraire, qu’elle déclare établies.

La cour condamne le prévenu à une peine d’emprisonnement de 2 ans (avec sursis) et d’amende de 6.000 euros. Elle prononce également une interdiction de certains droits civils et politiques.