Cour d’appel de Gand, 10 juin 2022
La cour d’appel de Gand s’est penchée, sur une affaire de traite des êtres humains envers des personnes trans(genres) latino- américaines en Flandre occidentale dont la décision en première instance a été traitée par le tribunal correctionnel de Bruges dans un jugement du 5 novembre 2021.
Dans un premier temps, neuf prévenus, dont une entreprise, étaient poursuivis pour plusieurs faits. Quatre prévenus, de nationalité belge, dominicaine et thaïlandaise, étaient effectivement poursuivis pour traite des êtres humains avec circonstances aggravantes. Le premier prévenu et la cinquième prévenue étaient mariés. Les deuxième et troisième prévenus étaient également en couple. Outre ces charges, les quatre prévenus étaient poursuivis avec d’autres prévenus pour d’autres préventions telles que la tenue d’une maison de débauche et de prostitution, le proxénétisme et la pornographie enfantine.
Les faits se sont produits dans différentes villas de Flandre occidentale. Sur un site de rencontres sexuelles, des services sexuels étaient proposés par des personnes latino-américaines (généralement trans(genres)), souvent en séjour illégal. Il est ressorti de l’enquête que la seconde prévenue servait d’intermédiaire entre les jeunes filles et le premier prévenu. Elle était arrivée en Belgique en 2010 et y avait elle-même été exploitée sexuellement. Elle avait obtenu le statut de victime par l’entremise de Payoke.
La cinquième prévenue avait été acquittée en première instance, étant donné qu’elle se trouvait en Thaïlande. Les deuxième et troisième prévenus ont été déclarés coupables de traite des êtres humains. Le premier prévenu est décédé en cours de procédure. Le tribunal a estimé que la deuxième prévenue était coupable, même si elle devait récupérer les recettes pour le principal prévenu et ne réalisait donc pas elle-même de gros profits. Elle a agi en tant que coauteur dans la réalisation d’un profit anormal pour le premier prévenu, même si l’avantage économique dont elle a bénéficié en conséquence était plutôt restreint. En outre, l’enquête bancaire a montré qu’elle a bénéficié d’un flux important de revenus par le biais de dépôts en espèces tout au moins pendant une certaine période.
Ils ont été condamnés à des peines d’emprisonnement de 30 mois à 3 ans, dont une partie avec sursis, ainsi qu’à des amendes. En outre, des sommes d’argent ont été confisquées. Les autres prévenus ont été condamnés pour les autres faits. Un appel a été interjeté et la cour a réexaminé l’affaire.
La cour a estimé que la cinquième prévenue était bel et bien coupable, en tant que coauteur de traite des êtres humains. Bien qu’elle ait séjourné de manière permanente en Thaïlande à partir de mai 2019, elle avait exploité plusieurs femmes auparavant. Elle était elle-même une travailleuse du sexe et, en outre, coresponsable de l’hébergement et du contrôle des travailleuses du sexe, avec le premier prévenu qui était aussi son mari. La cour a estimé que les travailleuses du sexe se trouvaient indubitablement dans une situation de vulnérabilité en raison de leur situation administrative illégale ou précaire, ou en raison de leur statut social précaire. Elles étaient pour la plupart en séjour illégal en Belgique. Pour cette raison, elles ne pouvaient pas signer de contrat de travail régulier en Europe et étaient à la merci des proxénètes. Elles n’étaient déclarées ou enregistrées nulle part et ne pouvaient donc pas prétendre aux droits sociaux et à la protection. Certaines d’entre elles étaient des personnes trans(genres) et particulièrement vulnérables pour cette seule raison. Toutes les travailleuses du sexe devaient payer une redevance non conforme au marché pour se prostituer dans les locaux de prostitution : elles devaient soit payer 80 euros par jour pour louer une chambre (560 euros/ semaine), soit remettre la moitié des revenus qu’elles tiraient de leurs activités sexuelles. Certaines d’entre elles ont même déclaré payer le loyer et céder également la moitié de leurs revenus. Les travailleuses du sexe ne pouvaient pas déterminer elles-mêmes leurs heures de travail ni le prix de leur prestation. La prévenue était consciente de leur vulnérabilité.
Les deuxième et troisième prévenus ont été à nouveau déclarés coupables de traite des êtres humains.
Les trois prévenus ont été condamnés à des peines de prison de trois ans et à des amendes de 120.000 à 304.000 euros, en partie avec sursis. Des sommes d’argent ont été confisquées. Les autres prévenus, dont la société, ont été condamnés pour les autres préventions. La confiscation des deux biens immobiliers a toutefois été annulée par la cour, car leur valeur était disproportionnée par rapport à l’avantage patrimonial calculé.
Les deux victimes qui s’étaient constituées parties civiles ont à nouveau obtenu respectivement une indemnisation de 1.500 euros et de 3.000 euros à titre de dommages matériels et moraux confondus.