Le tribunal a rendu un jugement condamnant deux prévenus indiens, passeurs principaux d’une organisation criminelle, pour trafic avec circonstances aggravantes, envers un nombre indéterminé de personnes (au moins 97 personnes) dont plusieurs victimes mineures à Zeebruges.

L’enquête avait démarré en avril 2018 suite à la déclaration d’un homme indien, affirmant avoir été victime de trafic d’êtres humains. Après une route jusque Paris, il s’était rendu à Bruxelles-midi, à Blankenberge, puis à Zeebruges par l’intermédiaire d’un passeur indien qu’il a identifié. Le nom de ce dernier a été trouvé dans les bases de données policières. Ce passeur, qui n’est pas cité au procès en l’espèce, avait déjà été retrouvé et reconnu dans la région de Zeebruges lors de constats précédents. En mai 2018, une autre personne avait en effet déclaré, après avoir été retrouvée par la police maritime, avoir été approchée à Bruxelles par ce même passeur avant de l’identifier formellement sur une photo. Elle avait voyagé avec ce dernier 8 à 10 fois de Bruxelles à Zeebruges, via Blankenberge, en présence d’autres migrants, à chaque fois dans une semi-remorque.

L’enquête a été réalisée au moyen d’écoutes téléphoniques, d’une enquête de téléphonie, d’une lecture des conversations WhatsApp, d’une enquête forensique des téléphones et d’un examen des caméras de surveillance dans les gares. Les enquêteurs ont également procédé à une analyse des personnes détenues au centre fermé de Bruges et ayant eu des contacts avec le passeur (non cité au procès). L’enquête a révélé qu’il était lié à une organisation criminelle, avec d’autres individus impliqués, dont les deux passeurs principaux se trouvaient en Inde lors des faits. Les préventions du jugement en l’espèce concernent toutefois uniquement ces deux derniers. Lors de l’enquête, d’autres suspects furent également auditionnés. Ils ont déclaré avoir été logés par d’autres membres de l’organisation contre paiement et avoir rendu des services sans avoir connaissance du lien avec un trafic d’êtres humains. Des perquisitions furent également organisées chez certains d’entre eux.

Le réseau de trafic organisait l’hébergement et le transport en camion des victimes vers le Royaume-Uni. Elles étaient souvent abandonnées pendant plusieurs jours sur la côte ou dans un parc. Elles devaient prévoir elles-mêmes à manger et à boire, pour potentiellement plusieurs nuits. L’organisation criminelle recourait à la menace. Les victimes étaient principalement indiennes, dirigées depuis l’Inde. Un des suspects recevait de l’argent via Western Union en provenance du Royaume- Uni, de France et d’Allemagne. Les activités étaient bien organisées : les personnes se déplaçaient en petits groupes ; certains membres montaient la garde vis-à-vis de la police ; des instructions claires étaient données ; les victimes étaient soignées et hébergées dans diverses safehouses. Les membres savaient qui était capturé par la police, qui s’était enfui et qui était arrivé au Royaume-Uni.

Les deux prévenus, passeurs principaux de l’organisation criminelle, restaient directement en contact avec les membres de l’organisation et leur donnaient les instructions. Ils utilisaient de nombreux alias dans leurs communications, avec les victimes et les autres membres de l’organisation criminelle.

Le premier prévenu n’a pas contesté les faits de trafic en l’espèce. Il remplissait un rôle de direction et de contrôle au sein de l’organisation criminelle. Le juge a rappelé qu’il n’est pas nécessaire que l’organisation ait été mise en place par le prévenu pour qu’il soit le chef de la structure. Il était en état de récidive légale, suite à plusieurs condamnations pour des faits similaires. Il a été arrêté en Arménie avant d’être transféré et arrêté en Belgique en avril 2021. Le prévenu ayant déjà été condamné par la cour d’appel de Bruxelles en juin 2022 pour des faits de trafic d’êtres humains, le juge a considéré que les faits poursuivis dans son chef dans le présent procès constituaient la manifestation d’une même unité d’intention, qui nécessitait une peine complémentaire.

Le deuxième prévenu est également considéré comme le passeur principal avec le premier prévenu. Il a été rapatrié de Belgique en Inde en 2014 et n’a plus quitté l’Inde depuis. En l’espèce, un mandat d’arrêt par défaut a été émis en septembre 2018 et une demande d’entraide judiciaire a été envoyée en Inde en octobre 2019, exécutée et renvoyée en août 2021. L’exécution de la demande d’entraide judiciaire mentionne également des activités de trafic dans la région Ukraine-Pologne. Il était également en état de récidive légale car il avait déjà été condamné pour des faits similaires par le tribunal correctionnel néerlandophone de Bruxelles le 29 juin 2017. Il n’a pas comparu au présent procès et a été condamné par défaut.

Ils ont été condamnés respectivement à un emprisonne- ment de 4 et 10 ans, ainsi qu’à une amende de 560.000 euros. Une déchéance des droits a également été prononcée à leur égard.

Cette décision a fait l’objet d’un appel.