Tribunal correctionnel d’Audenaerde, 30 août 2019
Un prévenu somalien était poursuivi pour le viol d’une mineure de plus de 14 et 16 ans avec circonstances aggravantes ; traite des êtres humains aux fins d’exploitation de la prostitution ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, avec circonstances aggravantes ; coups et blessures volontaires avec circonstances aggravantes ; traitement inhumain avec circonstances aggravantes ; faux et usage de faux ; détention arbitraire.
Il lui était reproché d’avoir obligé sa femme, mineure d’âge, à des relations sexuelles. La date de naissance de la jeune fille sur ses documents d’identité, ainsi que l’acte de mariage somalien seraient des faux.
La jeune fille s’est constituée partie civile par l’intermédiaire de sa tutrice.
Le dossier a démarré lorsque, en juillet 2018, la jeune fille a appelé la police, qui l’a découverte sur le balcon de l’appartement où elle vivait avec son partenaire, le prévenu. Elle déclare avoir dû se marier contre son gré en 2016, à l’âge de 15 ans, par téléphone. Elle est arrivée de Somalie en Belgique en 2017. Sa mère aurait veillé à lui fournir un passeport avec une fausse date de naissance. Son mari l’aurait forcée à avoir des relations sexuelles. Elle ne pouvait pas quitter l’appartement.
Un test d’âge a révélé que la jeune fille était âgée de 14,5 ans, avec une marge de 2 ans. Un visa avait été demandé en 2016 pour un regroupement familial avec son époux (en vertu d’un mariage religieux qui aurait eu lieu en 2011).
Elle a été entendue à plusieurs reprises, notamment au moyen d’une audition audiovisuelle. Elle a été excisée en Somalie à l’âge de 7 ans (excision de type 3, avec un rétrécissement de l’orifice vaginal), ce qui rendait les contacts sexuels avec son mari très douloureux. Son mari aurait refusé de la conduire chez le médecin en vue d’élargir son orifice vaginal. Depuis l’arrestation de son mari, elle et sa famille étaient menacées. Son mari aurait réglé son arrivée en Belgique, via l’Ouganda et l’intervention d’un passeur. Les papiers auraient été réglés en Ouganda. Elle est scolarisée à mi-temps.
Le prévenu a également été entendu. Il déclare s’être marié avec la jeune fille en 2011 en Somalie, mais l’acte de mariage n’aurait été réalisé qu’en 2016, parce qu’il voulait la faire venir en Belgique. Il a payé 1.500 euros pour le mariage à sa belle-mère et a payé tous les frais du voyage. Sa femme est, d’après lui, largement majeure. Il dément l’avoir forcée à des relations sexuelles.
Le tribunal estime les différentes préventions établies. Il considère que les faux documents somaliens ont été établis en 2016, soit lorsque le prévenu était déjà en Belgique. Ils étaient nécessaires pour faire venir la jeune fille en Belgique, en la présentant comme sa fiancée majeure. Il est établi que la date de naissance et le nom sur le certificat d’identité somalien, l’acte de naissance somaliens, la date du mariage et le nom sur l’acte de mariage ainsi que le nom sur le titre de séjour belge ont été falsifiés.
Le viol est également établi : le mariage n’a pas eu lieu en 2011, mais en 2016 lorsque le prévenu était déjà en Belgique. Les premières relations sexuelles ont eu lieu en 2017, après l’arrivée de la jeune fille en Belgique. La jeune fille n’y a pas consenti. Elle n’avait jamais vu son conjoint auparavant. Le tribunal se base à cet effet sur les déclarations réitérées de la victime, de voisins qui entendaient régulièrement crier et les déclarations du prévenu qui estime que les relations sexuelles relevaient du devoir conjugal.
Pour la traite des êtres humains, le prévenu a contribué activement à l’arrivée de la jeune fille en Belgique, vraisemblablement pour un mariage (forcé), en payant les frais afférant. Il l’a accueillie et l’a lui-même sexuellement exploitée. Le tribunal rappelle à cet égard que la loi n’exige pas de forme particulière d’exploitation. Vu sa minorité, son isolement, sa dépendance, elle se trouvait dans une situation sociale précaire.
Il retient également la prévention de traitement inhumain, mais acquitte le prévenu des préventions de coups et blessures volontaires et de détention arbitraire.
Le tribunal condamne le prévenu à une peine de 8 ans d’emprisonnement et à une déchéance de droits. Il le condamne également à verser à la partie civile 5.000 euros de dommage moral.
La cour d’appel de Gand a globalement confirmé ce jugement dans un arrêt du 28 février 2020. Elle a cependant aggravé la peine d’emprisonnement.