Cour d’appel de Mons, 5 octobre 2022
La cour a rejugé une affaire de trafic et d’exploitation de la prostitution de jeunes femmes latino-américaines dans des appartements. Cette affaire a été examinée en première instance par le tribunal correctionnel de Charleroi le 27 octobre 2021.
Quatorze prévenus, de diverses nationalités (brésilienne, belge, péruvienne, française et marocaine) étaient poursuivis ; la majorité d’entre eux pour exploitation de la prostitution avec circonstances aggravantes, trafic d’êtres humains avec circonstances aggravantes et organisation criminelle. Quelques prévenus étaient poursuivis pour proxénétisme hôtelier et l’un d’eux pour détention et vente de stupéfiants. Deux prévenus étaient également poursuivis pour traite des êtres humains avec circonstances aggravantes. Trois victimes et Myria s’étaient constitués parties civiles. Le dossier est constitué de deux enquêtes parallèles qui ont été jointes et qui ont mis en évidence deux réseaux de prostitution. Concernant les 9 premiers prévenus concernés par le premier réseau, le tribunal correctionnel les avait condamnés pour la majorité des préventions reprochées. Le tribunal avait considéré la prévention de trafic établie car l’exploitation de la prostitution des victimes avait permis à ces dernières de disposer de moyens de subsistance et d’un logement en Belgique. Cette exploitation avait ainsi contribué à leur séjour sur le territoire belge.
Trois prévenus jouaient le rôle de standardiste. Ils répondaient aux appels téléphoniques des clients, fixaient les rendez-vous, les dirigeaient vers les lieux de prostitution, prévenaient les prostituées et contrôlaient la durée et les modalités de la prestation pour ensuite en rendre compte à la prévenue principale, une Brésilienne, qui assurait la direction du premier réseau de prostitution et définissait les rôles des divers membres en donnant ses instructions quant à la prise en charge des prostituées.
Le ministère public et deux des trois prévenus ayant joué le rôle de standardiste, dont l’une est la fille de l’autre, ont interjeté appel.
Les préventions reprochées portaient sur le trafic et l’exploitation de la prostitution d’autrui avec circonstances aggravantes et la participation à une organisation criminelle. Les prévenues avaient été condamnées à 2 ans d’emprisonnement (avec sursis de 5 ans) et à 3.000 euros d’amende (avec sursis de 3 ans). Elles n’ont pas contesté la matérialité des faits reprochés mais ont sollicité leur acquittement en invoquant le principe général de droit de l’erreur invincible comme cause de justification élusive de la responsabilité pénale. Elles ont allégué qu’étant d’origine péruvienne et peu au fait de la loi belge, elles ignoraient qu’en retirant un profit de la prostitution d’autrui, elles participaient à une activité illicite.
La cour d’appel a pris en compte le fait que l’application WhatsApp avait été renseignée aux prévenus comme offrant davantage de sécurité à l’égard des services de police, et le fait qu’elles avaient poursuivi leurs activités illicites après l’arrestation d’une collègue standardiste par les services de police. La cour qualifie d’invraisemblable le fait qu’elles aient pu croire que l’ensemble était uniquement lié au caractère non déclaré des activités commerciales et non au trafic et à l’exploitation de la prostitution d’autrui et à la participation à une organisation criminelle. Suite à la réforme du droit pénal sexuel, la cour a requalifié la prévention d’exploitation de la prostitution d’autrui en proxénétisme et abus de la prostitution avec circonstances aggravantes, et a confirmé les peines et les confiscations prononcées en première instance. Les prévenues ont été condamnées à verser 1 euro à Myria à titre de dommage moral.