L’établissement pénitentiaire de Tongres a été inauguré en 1844 comme première prison cellulaire de Belgique. En 2005, les derniers détenus ont été transférés vers la nouvelle prison de Hasselt, mais en 2008, la prison de Tongres a été rouverte. Aujourd’hui, elle sert de maison de peine pour les condamnés à de courtes peines, à savoir à des peines d’emprisonnement inférieures ou égales à 3 ans et héberge, au sein de ce groupe, uniquement des hommes sans droit de séjour en Belgique.

Un régime inadapté : trop d’heures dans des cellules trop exigües

Le CCSP et Myria ont effectué une visite de trois jours à l’établissement pénitentiaire de Tongres. Il s’agit d’une petite prison (environ 45 détenus) où s’applique un régime de détention fermé ou cellulaire. À l’exception d’un nombre limité d’emplois, l’offre d’autres activités et de formations est pratiquement inexistante. Il en résulte que le régime proposé à la plupart des détenus se caractérise par un enfermement quasi permanent dans des cellules (trop) exigües qui ne répondent pas aux exigences minimales en matière d’espace de vie.

Cette constatation étonne d’autant plus à la lumière du profil des détenus qui purgent des peines de courte durée. Depuis l’entrée en vigueur de l’exécution des courtes peines, l’objectif avancé a toujours été de voir ces condamnés purger celles-ci non pas dans une prison traditionnelle, mais dans une maison de détention. Les détenus sans droit de séjour ne sont pas nécessairement exclus d’un placement en maison de détention. Or, dans celles-ci, le régime est communautaire et ouvert, visant à une réinsertion et une réhabilitation rapides. Selon le CCSP et Myria, la différence entre le régime appliqué au sein de l’établissement pénitentiaire de Tongres et celui en vigueur dans les maisons de détention est difficilement justifiable. Ils recommandent dès lors d’élargir l’éventail d’activités et de mettre en place un régime ouvert dans la prison de Tongres.

Tant au cours de la visite qu’en vertu des informations obtenues par la suite, une certaine volonté d’agir en ce sens s’est manifestée au sein de la direction et du personnel pénitentiaire. Le CCSP et Myria saluent les initiatives prises — telles que l’augmentation du budget pour le travail domestique et l’organisation d’activités (sportives) — et encouragent tous les acteurs à poursuivre ces efforts afin que tous les détenus puissent passer une partie raisonnable de la journée (c’est-à-dire 8 heures ou plus) hors de leur cellule grâce à une offre d’activités variées, intéressantes et motivantes.

La situation des détenus de Tongres est particulière : ils n’ont aucun droit de séjour et n’ont souvent que peu, ou pas, de famille ou d’autres réseaux. En outre, le CCSP et Myria ont constaté que l’accès à l’aide juridique et aux interprètes y est restreint. Il n’est (presque) jamais fait appel à des interprètes professionnels indépendants et, en 2023, seules 13 visites d’avocats ont été enregistrées à la prison de Tongres. Les possibilités de joindre des avocats par téléphone sont également limitées. Il en résulte un risque élevé de perte d’informations cruciales et d’incompréhension par le détenu de certaines questions juridiques liées à ses droits.

Cette situation, associée à un régime de détention strict, donne l’impression que les détenus sans droit de séjour sont oubliés par les autorités. Les droits et les possibilités des détenus semblent plus restreints que dans d’autres prisons. La bonne volonté et les nombreux efforts déployés par la direction et le personnel pour combler ces lacunes ne suffisent pas à atténuer cette impression.

Par ailleurs, le séjour des détenus à Tongres est appelé à se prolonger à l’avenir, ce qui rendra les problèmes identifiés en août 2023 encore plus pressants. Dès lors que le juge d’application des peines intervient obligatoirement dans l’attribution des modalités d’exécution de la peine — depuis peu également pour les courtes peines, y compris pour les personnes qui souhaitent elles-mêmes retourner dans leur pays d’origine, la probabilité qu’une personne obtienne une modalité d’exécution de la peine dépend fortement de la qualité de la préparation du dossier par les différentes parties prenantes (service psychosocial, avocat…).

Le CCSP et Myria recommandent au service psychosocial et au personnel pénitentiaire d’accorder une attention particulière à l’accompagnement psychosocial entourant les procédures de retour des détenus, au besoin en collaboration avec des partenaires externes. Le CCSP et Myria saluent la volonté de la Direction générale Établissements Pénitentiaires et de l’Office des étrangers d’organiser des ateliers de formation liés aux problématiques sur les étrangers détenus au sein des établissements pénitentiaires. Ils espèrent que ces ateliers porteront leurs fruits et permettront d’améliorer les connaissances du personnel et d’informer davantage les personnes sur leurs droits. Ces questions restent des sujets d’attention pour le CCSP et Myria qui continueront à les suivre.

Une visite commune

Le mardi 2 mai 2023, le CCSP et Myria ont signé un protocole de collaboration pour la protection des droits fondamentaux des étrangers détenus. Dans le cadre de ce protocole de collaboration, les deux institutions ont organisé une première visite conjointe à l’établissement pénitentiaire de Tongres. Un établissement où les détenus masculins d’origine étrangère en séjour irrégulier résident en attendant un retour obligatoire dans leur pays d’origine. Au cours de la visite, le CCSP et Myria ont rencontré la direction, les agents pénitentiaires, le personnel du service psychosocial, du greffe et les collaborateurs de l’Office des étrangers. Par ailleurs, des entretiens ont été menés en toute confidentialité avec la quasi-totalité (42) des détenus.