Les premiers mois de l’année 2004 ont été marqués par le nombre important d’étrangers transférés en zone de transit après une ordonnance de mise en liberté prononcée par la Chambre du Conseil. Entre le 9 et le 19 février un groupe de 11 personnes se trouvait dans cette situation pour 14 transferts en tout entre le 24 décembre 2003 et le 30 mai 2004.

Cette pratique existe depuis longtemps, elle se poursuit encore aujourd’hui mais pas dans les mêmes proportions. Qu’il nous soit permis d’émettre l’hypothèse suivante pour expliquer cette crise. La mort de Sémira Adamu a abouti à la condamnation des gendarmes pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner (12 décembre 2003). 

Après ce verdict, les policiers fédéraux chargés des rapatriements forcés ont décidé de ne plus procéder à ce type d’éloignement. Les rapatriements forcés ont donc été suspendus dans les mois qui ont suivi (le premier rapatriement collectif a eu lieu en mars 2004). Durant la même période, le Ministre de la défense a annoncé ne plus vouloir mettre à disposition des avions militaires pour procéder à des rapatriements. Le 24 décembre 2003 une femme était transférée dans la zone de transit, elle y restera 125 jours. Ce fait est très certainement lié à l’impossibilité temporaire de procéder à des éloignements forcés.

Indépendamment de toute situation de crise, le principe même de cette pratique mérite d’être examinée, c’est l’objet du présent article. Après avoir rapidement tracé le profil socio-graphique et administratif des étrangers transférés en zone de transit, nous rappellerons le principe de souveraineté nationale dans le contrôle de l’accès au territoire en le confrontant au droit individuel de quitter son pays, aux principes de la Convention de Genève relative aux réfugiés et à la mise en
oeuvre des accords de Schengen. Nous examinerons ensuite les trois décisions qui peuvent être prises au moment du contrôle aux frontières, à savoir le refoulement, l’annulation du visa et la décision de privation de liberté, ainsi que les recours qui sont ouverts à l’étranger. Nous aborderons ensuite le statut de la zone de transit avant de confronter la pratique du transfert en zone de transit avec certaines dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, telles que l’article 5 (privation de liberté), l’article 13 (droit un recours effectif) et l’article 6 (droit à un procès juste et équitable). Nous terminerons par un examen des conditions de vie dans la zone de transit à la lumière de l’interdiction des traitements inhumains ou dégradants avant d’évoquer brièvement les conditions du retour.