Les moyens octroyés aux alternatives à la détention doivent donc être renforcés et une évaluation régulière et transparente de ces alternatives doit être organisée pour en permettre une éventuelle amélioration. Le respect de l’unité familiale ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être garanti dans toutes les décisions administratives qui impliquent des mineurs étrangers.

L'article 74/9 de la loi des étrangers permet la détention des mineurs en famille en centres fermés, pour une durée aussi courte que possible à la condition que ces derniers soient adaptés à leurs besoins, notion qui n’a pas été davantage définie. La Belgique a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme  à plusieurs reprises pour la détention de mineurs en centre fermé, qui ont été jugés non adaptés.

Actuellement, des familles avec enfants sont parfois encore détenues pour une brève durée en centre fermé soit à leur arrivée à la frontière aéroportuaire - en vue d’un refoulement, ou avant un transfert en maison de retour, ou avant leur éloignement forcé. Ainsi, ce sont, en 2015, 25 familles dont 34 mineurs qui ont été détenues uniquement au Centre Caricole, sans passer par une maison de retour, avant leur refoulement. 54 familles, dont 86 mineurs, ont quant à elles été détenues au centre Caricole avant d’être placées dans une maison de retour ou suite à un transfert depuis une maison de retour en vue de leur éloignement.

Le projet de construction de nouvelles unités familiales au sein du centre fermé 127bis a pour ambition de créer une structure adaptée en vue d’y détenir des familles avec enfants mineurs. Myria a déjà exprimé ses préoccupations par rapport à ce projet, particulièrement interpellant.

Dans sa récente note de politique générale, le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration a confirmé son intention d’instaurer ces  unités familiales  dont les travaux d’implantation devraient être réalisés durant l’année 2017. En novembre 2015, une nouvelle demande de permis d’urbanisme a été introduite, après un accord avec l’exploitant de l’aéroport. L’objectif déclaré est d’utiliser ces unités en dernier ressort. Les familles auraient dans un premier temps la possibilité de partir volontairement, elles seraient ensuite placées en maison de retour et puis seulement, à titre de sanction, dans ces unités familiales au sein du centre fermé 127bis, en vue de leur éloignement forcé. Des éducateurs, enseignants et coaches seraient présents. Myria restera attentif au développement de ce projet et aux garanties mises en places pour veiller au respect des droits de l’enfant.

Pour rappel, en ratifiant la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE), la Belgique s’est engagée à faire de l’intérêt supérieur de l’enfant une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant, principe qui a d’ailleurs été intégré dans la Constitution belge.

Or, de nombreux spécialistes s’accordent pour dire que la détention « a des effets dévastateurs sur les enfants » et que la détention « même de très courte durée et dans des conditions relativement humaines  » peut avoir des conséquences graves et traumatisantes « à plus ou moins long terme sur la santé physique et mentale des enfants ».

Depuis 2012, une campagne intitulée « End immigration detention of children » a été lancée. Elle a notamment recueilli le soutien de nombreuses organisations internationales. Plusieurs instances nationales et internationales se sont d’ailleurs prononcées en faveur de la fin de la détention administrative des enfants migrants, estimant que la détention n’était jamais conforme à leur intérêt supérieur. Le Conseil de l’Europe et le Comité aux droits de l’enfant auprès des Nations Unies réaffirment ce principe et recommande de légiférer pour interdire la détention d’enfants pour des raisons relatives à l’immigration. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants estime que la détention d’enfants migrants peut également violer leur droit de ne pas être punis pour les actes de leurs parents. Dans son rapport de 2015, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture déclare que la détention des enfants sur base du statut de séjour de leurs parents n’est jamais dans le meilleur intérêt de l’enfant et peut constituer un traitement inhumain et dégradant. Dès lors, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant requiert le maintien de l’unité familiale, l’impératif de ne pas priver un enfant de sa liberté doit s’étendre à ses parents, et implique l’adoption de mesures alternatives par les autorités au profit de toute la famille.

Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a, suite à sa visite en Belgique en septembre 2015, exhorté le gouvernement belge « à ne pas renouer avec la pratique consistant à détenir des familles avec enfants ». Il s’est prononcé en faveur de l’interdiction dans la loi de la détention administrative des enfants.

Myria recommande donc de consacrer dans la loi l’interdiction de la détention des enfants dans les centres fermés, détention qui est jugée contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Les moyens octroyés aux alternatives à la détention doivent donc être renforcés et une évaluation régulière et transparente de ces alternatives doit être organisée pour en permettre une éventuelle amélioration. Le respect de l’unité familiale ainsi que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être garanti dans toutes les décisions administratives qui impliquent des mineurs étrangers.

Enfin, il convient de rappeler que si la loi interdit la détention des mineurs étrangers non accompagnés (MENA), une exception à ce principe est prévue pour ceux qui se présentent à la frontière et par rapport auxquels il existe un doute sur l’âge. Cette disposition va à contre-courant des normes prescrites par le Comité de prévention contre la torture ainsi que l’Assemblée du Conseil de l’Europe. Myria rappelle sa recommandation  : lorsqu’il existe un doute sur la minorité, le MENA devrait être traité comme s’il était mineur, jusqu’à preuve du contraire.

Extrait mis à jour du chapitre Retour, détention et éloignement du rapport La migration en chiffres et en droits 2016. Consultez le PDF pour une version avec les références juridiques complètes.