Le droit de vivre en famille sous pression

La question centrale de ce rapport est de savoir dans quelle mesure le droit de vivre en famille et l’intérêt supérieur de l’enfant des personnes détenues en vue de leur éloignement sont suffisamment protégés. Suite à l’ouverture des unités familiales au centre fermé 127bis cet été, Myria dresse un état des lieux des questions liées à la détention d’enfants et les alternatives à celle-ci et rappelle les règles internationales à ce sujet. Myria met aussi en avant une décision récente prise par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies au sujet d’une famille détenue et rappelle l’importance du respect des engagements internationaux pris par la Belgique. Myria présente également les constats des visites qu’il a effectuées récemment dans les unités familiales.

Au niveau des alternatives à la détention, Myria observe que, si on exclut les familles libérées, la moitié des familles devant faire l’objet d’un éloignement forcé depuis une maison de retour le sont. Il conviendrait donc, selon Myria, d’investir davantage dans ces alternatives.

Ensuite, une attention particulière est portée sur un autre groupe de personnes vulnérables : les femmes enceintes ou ayant récemment accouché. Par manque de règlementation claire, celles-ci ne sont en effet pas suffisamment protégées contre la détention et l’éloignement. Myria rappelle également ses critiques sur la loi sur les reconnaissances frauduleuses qui donne, entre autres, trop de pouvoir discrétionnaire à l’officier d’état civil et qui semble disproportionné au regard de l’objectif recherché. Chaque enfant a le droit de voir sa double filiation établie et de jouir des droits éventuels qui en découlent. En cas de détention, Myria recommande que les parents et les enfants concernés bénéficient d’une protection contre l’éloignement durant toute la procédure d’établissement de la filiation.

En ce qui concerne le regroupement familial des personnes en détention, Myria y présente les obstacles juridiques et pratiques à l’introduction d’une demande depuis un centre fermé. Il recommande de modifier la réglementation pour prévoir explicitement la possibilité pour l’étranger détenu en centre fermé d’introduire une demande de regroupement familial (ainsi que ses modalités d’introduction).

Chiffres

En 2017, 45.601 décisions de retour ont été délivrées dont 42% suite à une arrestation administrative. On note également que 11% de ces décisions concernaient des citoyens de l’UE.

Environ la moitié des arrestations administratives a donné lieu à la délivrance d’un ordre de quitter le territoire (OQT) sans privation de liberté et 12% à un OQT assorti d’une décision de détention. Il est intéressant de noter que sur le total des arrestations administratives, 30% l’ont été dans le cadre de la migration de transit.

Myria constate une hausse de 13% des personnes détenues en centre fermé entre 2013 et 2017. On constate également une hausse de la proportion de personnes détenues en centre fermé après avoir été refoulées à la frontière, même si les personnes en centre fermé restent majoritairement des personnes en séjour irrégulier sur le territoire. Enfin, s’agissant des retours, on note : une nette augmentation des refoulements, une diminution des retours volontaires assistés, et une très légère diminution des rapatriements (tant pour les rapatriements vers le pays d’origine que pour les transferts Dublin et les reprises bilatérales). Les principales nationalités des personnes rapatriées en 2017 sont les Albanais, les Marocains et les Roumains.

Myria présente cette année également les chiffres des contrôles sur les retours forcés réalisés par l’Inspection générale de la police fédérale et de la police locale (AIG) au cours des cinq dernières années (2013-2017). En 2017, ce sont au total 103 contrôles qui ont été réalisés, portant sur 282 personnes. Myria y constate une diminution de 41% entre 2013 et 2017 du nombre de contrôles d’éloignement effectués par l’AIG auprès de la police aéroportuaire de Zaventem (d’où ont lieu la majorité des tentatives d’éloignement, 7.901 en 2017).

Évolutions récentes

Myria constate que la question du retour est particulièrement mise en avant au niveau européen. En septembre 2018, la Commission européenne a publié une proposition de modification de la directive retour qui pose des questions importantes en termes d’impact sur les droits fondamentaux des étrangers.

En Belgique, l’actualité a été marquée par les défis liés à la migration de transit, la détention d’enfants en centre fermé ainsi que la question de l’examen du risque de traitement inhumain et dégradant en cas de retour et en l’absence d’une demande d’asile (article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme).

Myria présente un résumé des principaux changements législatifs en lien avec la détention et l’éloignement ainsi que les évolutions jurisprudentielles à ce sujet au niveau belge et européen.