Le Centre fédéral Migration devient Myria. Il dresse son premier rapport sur les flux et la politique migratoires : La migration en chiffres et en droits.
Le Centre fédéral migration est un organisme public indépendant doté de trois missions légales : l’information des pouvoirs publics sur l’ampleur et la nature des flux migratoires, la protection des droits fondamentaux des étrangers et la stimulation de la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains. Il est également la composante indépendante du mécanisme du Rapporteur national sur la traite des êtres humains. Le Centre fédéral Migration est l’un des deux organismes ayant hérité des compétences de l’ex-Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, avec le Centre interfédéral pour l’égalité des chances. Myria, en grec, est le préfixe de dix-mille ; il renvoie à la multitude, au flux, aux populations, à l’humain et à son interdépendance avec son environnement ; ce mot est aussi synonyme de « grand nombre indéterminé » ; il permet de rappeler combien la migration est un sujet à la fois humain et difficilement prévisible. En se nommant désormais Myria, le Centre fédéral Migration souhaite se singulariser comme institution publique indépendante, simplifier son identification et donc son accessibilité par les autorités, les associations, les centres de recherche et les citoyens. Ses nouvelles couleurs s’accompagnent de quelques nouveautés visant à partager et valoriser le travail accompli. Le site web de Myria (www.myria.be), accessible depuis ce 3 septembre 2015, deviendra une plateforme dynamique de mise à disposition des chiffres sur les migrations, des analyses sur les flux et les droits, ainsi que sur la traite et le trafic des êtres humains. Parmi les fonctionnalités du site, signalons Myriatics, un focus trimestriel en ligne consacré à un développement spécifique en matière de démographie migratoire. Le premier Myriatics sortira fin septembre 2015 et portera sur les flux issus des pays de l’Europe de l’Est. De même, le site de Myria présentera ses études thématiques portant sur les droits des migrants. La première, à paraître fin 2015, concernera les étrangers passagers clandestins qui arrivent par bateau dans les ports belges.
Myria publie aujourd’hui - comme chaque année – son rapport La migration en chiffres et en droits, qui propose un état des lieux annuels des données démographiques et de la situation des étrangers en termes de droits fondamentaux. Chiffres fiables et respect des droits constituent pour Myria les balises indispensables de toute politique migratoire. Myria propose aussi des recommandations pour les pouvoirs publics.
Le rapport propose de nombreux chiffres pour mieux comprendre la nature et l’évolution des migrations : flux, stocks, motifs de délivrance de titres de séjour, protection internationale, migration économique et étudiante, régularisations, détention et éloignement, accès à la nationalité… En analysant ces différentes facettes, Myria espère contribuer à la meilleure connaissance du phénomène migratoire dans sa globalité et sa complexité. Entre 2010 et 2013, les immigrations d’étrangers ont diminué en Belgique : 122.079 en 2013 contre 140.375 en 2010. La diminution concernait principalement des ressortissants de « l’Europe hors UE » (Turquie inclue) et d’Afrique. En 2013, 63% des immigrants étrangers sont des citoyens de l’UE-28, et 67% des émigrants étrangers sont aussi des citoyens de l’UE. En 2014, les immigrations d’étrangers ont augmenté de 5% par rapport à 2013. Avec 128.465 immigrations d’étrangers en 2014, on est cependant encore loin du pic historique de 2010. Les réfugiés reconnus et personnes ayant obtenu la protection subsidiaire ne constituaient, en 2013, que 3.918 personnes ou 9% des premiers titres de séjour délivrés à des ressortissants de pays tiers. C’est un constat régulier et durable : l’asile n’est pas le premier motif de migration légale, il est largement dépassé par les motivations liées à la famille (52% en 2013 !). Tout porte à croire, malgré la progression importante des demandes d’asile actuellement, que ce sera encore le cas en 2014 et en 2015. Sur l’ensemble de ces sujets, Myria estime qu’une meilleure connaissance des chiffres et leur explication claire et précise participent à promouvoir les droits fondamentaux des étrangers, et plus largement la tolérance et le vivre-ensemble.
Myria élabore 22 recommandations à destination des autorités, sur les différents aspects des enjeux migratoires. En particulier, Myria a choisi de mettre en avant cette année l’intérêt supérieur de l’enfant et la nécessité de l’inscription de celui-ci dans le futur Code de l’immigration que le gouvernement fédéral s’est donné pour ambition de rédiger. Dans l’ensemble des procédures concernant la migration, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être prioritaire. Pour cela, l’audition des enfants dans toute procédure qui le concerne est un outil encore trop peu utilisé. Myria exprime également ses vives inquiétudes à l’égard du retour annoncé de familles avec des enfants mineurs en centres fermés. Le gouvernement prévoit en effet la construction d’habitations pour les familles au sein du centre 127bis et ce, alors que la Belgique a déjà été condamnée trois fois par la CEDH pour la détention d’enfants en centre fermé et que des alternatives à la détention –par définition plus respectueuses des droits fondamentaux- existent déjà et pourraient être développées davantage.
L’actualité brûlante de la migration, c’est d’abord l’actuelle crise de l’asile. Tout indique que les États européens continueront à devoir gérer durant longtemps un afflux exceptionnel de candidats demandeurs d’asile, charrié par la gravité de la situation internationale : on compte aujourd’hui, d’après le UNHCR, plus de 59 millions de personnes déplacées dans le monde. Cette crise grave demande des réponses fortes et adaptées, tant sur le plan belge que sur celui de l’Union européenne. La mise en place d’un régime d’asile commun par la répartition des demandeurs d’asile entre les Etats membres et le traitement uniformisé des demandes devrait, notamment, être urgemment investigué. Sur le plan belge, nous appelons à ce que tout soit mis en œuvre pour éviter que des demandeurs d’asile dorment à la rue, et pour que chaque demandeur d’asile soit accueilli et accompagné dans des conditions dignes et humaines. Il est également essentiel de faire le maximum pour réussir l’intégration sociale des réfugiés reconnus. Ces défis demandent une politique qui fonctionne sur le fond, à la fois en ce qui concerne les demandeurs d’asile et les réfugiés que la société dans son ensemble. Aussi dans le contexte actuel et à l’encontre de la perception, la question migratoire dépasse de bien loin le thème de la protection internationale. Au-delà de la seule question de l’asile, de manière générale, il nous semble que le temps est venu d’être au rendez-vous que l’époque nous fixe – à tous : politiques, institutions, académiques, médias, associations, ONG, citoyens - en matière migratoire. Il est temps qu’on ne considère plus la migration comme un phénomène désagréable dont il faut gérer les conséquences, mais comme une donnée à utiliser. Il est temps de débattre sereinement de la migration. Il est temps que la politique de la migration devienne davantage qu’une politique des étrangers et qu’une politique de l’asile.
Myria souhaite porter le débat migratoire le plus largement possible.
Nous sommes convaincus qu’il est possible de construire une politique qui tienne compte à la fois des intérêts des pays d’accueil, des pays de destination et des intérêts des migrants eux-mêmes. Myria appelle non seulement les autorités mais également le monde académique, associatif et l’ensemble des citoyens à réfléchir sur ce que pourrait être la politique migratoire demain. Il apportera à cette réflexion tout son soutien et toute son expertise.