Exploitation de la mendicité : une forme méconnue de traite des êtres humains

La mendicité n’est pas punissable en tant que telle. Dans son rapport, Myria focalise son attention sur l’exploitation de la mendicité, une forme de traite des êtres humains sous-estimée mais non moins dramatique. Les mendiants exploités sont en premier lieu des victimes potentielles de traite des êtres humains et ne doivent sûrement pas être considérés sous l’angle d’une lutte contre les nuisances. Myria constate que la détection et l’identification des victimes peuvent être améliorées. Ces dernières constituent un groupe très vulnérable, surtout s’il s’agit de mineurs, pour lequel les services de police, les magistrats et d’autres acteurs doivent être davantage sensibilisés. La nouvelle circulaire du collège des procureurs généraux (COL) constitue à cet égard un pas en avant. L’analyse des dossiers dans lesquels Myria est partie civile et les interviews qu’il a réalisés avec les experts révèlent l’existence de deux types de dossiers : d’une part des dossiers avec des adultes roms porteurs de handicap, et d’autre part des dossiers mixtes dans lesquels plusieurs formes d’exploitation sont présentes, et où sont surtout concernés des mineurs d’âge roms. Un constat important est que presque tous les dossiers concernant l’exploitation de la mendicité concernent des Roms des dernières générations originaires d’Europe de l’Est. Il est cependant essentiel de rectifier l’image concernant cette minorité ethnique : la diversité interne est très forte au sein de la communauté rom et il n’y a qu’une petite minorité parmi elle qui mendie.

Une approche humaine des victimes de trafic apporte une plus-value

La Belgique reste une plaque tournante du trafic d’êtres humains, qui prospère en particulier le long de l’autoroute E40, comme le mettent en exergue également les affaires que Myria suit. Lors d’interceptions liées au trafic d’êtres humains, une approche humaine des victimes n’est pas seulement nécessaire ; elle permet également d’apporter une plus-value à l’enquête. En effet, dans une atmosphère de confiance, les victimes ont plus facilement tendance, par exemple, à laisser volontairement contrôler leur téléphone par la police ou à faire des déclarations. Lorsqu’il s’agit de trafic avec circonstances aggravantes, par exemple en cas d’usage de violences ou en présence de mineurs, les victimes doivent se voir offrir le statut spécifique de victime et être orientées vers un centre d’accueil spécialisé. La Belgique peut se prévaloir d’une expertise de plus de vingt ans en matière de lutte contre le trafic d’êtres humains. C’est aussi l’un des seuls pays européens à disposer d’un réseau de magistrats spécialisés dans la lutte contre ce phénomène. La collaboration internationale doit pourtant encore être stimulée, notamment afin de lutter contre les intermédiaires financiers. L’utilisation des médias sociaux comme méthodes d’investigation doit également être davantage développé.

Journées d’action communes contre l’exploitation économique

La lutte contre les montages de détachement frauduleux pouvant mener à la traite des êtres humains gagnerait à une meilleure collaboration internationale. Un pas positif en ce sens a été fait avec le « Joint Action Day Labour Exploitation », au cours duquel les services d’inspection du travail ont mené dans 21 États membres, avec le soutien d’Europol, des contrôles ciblés visant l’exploitation économique. En Belgique, c’est l’inspection sociale qui en a assuré l’organisation. Le projet a montré que la collaboration entre services d’inspection des pays d’origine et de destination est possible et effectif dans la lutte contre les montages frauduleux de détachement qui peuvent mener à la traite des êtres humains. Les pays participants ont ainsi testé avec succès de nouvelles méthodes comme l’implication d’inspecteurs du travail roumains lors du contrôle d’entreprises roumaines de transport.

Myria, le Centre fédéral migration, est un organisme public indépendant doté de trois missions légales : la stimulation de la lutte contre la traite et le trafic des êtres humain, l’information des pouvoirs publics sur l’ampleur et la nature des flux migratoires et la protection des droits fondamentaux des étrangers. Myria est également la composante indépendante du mécanisme du Rapporteur national sur la traite des êtres humains pour la Belgique. Myria est l’un des deux organismes ayant hérité des compétences de l’ex-Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme, à côté de Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances.