Tribunal correctionnel de Bruges, 8 février 2023
Dans ce dossier, le tribunal correctionnel de Bruges a condamné un couple de prévenus belges pour proxénétisme et trafic avec la circonstance aggravante d’activité habituelle, à Ostende et Lede. Il convient de noter que le ministère public a engagé des poursuites pour trafic d’êtres humains et non pour traite des êtres humains.
Lors d’un contrôle de routine de publicités sur le site internet « Redlights », la police d’Ostende a constaté une importante augmentation du nombre de personnes trans(genres) sud-américaines recevant des personnes à une adresse privée afin de leur offrir des services sexuels contre paiement. Après avoir pris rendez-vous avec l’une d’elles dans un appartement à Ostende, la police a rencontré une travailleuse du sexe trans(genre). Elle ne parlait qu’espagnol et était en possession d’un passeport colombien et d’un ordre de quitter le territoire belge. Elle s’était presque toujours prostituée depuis son arrivée en Belgique en 2019. Elle travaillait seule en toute autonomie. Elle avait découvert l’adresse via une amie espagnole et y louait un appartement 350 euros par semaine en remettant l’argent à la prévenue.
Lors du contrôle policier de l’appartement, deux femmes africaines en séjour irrégulier s’y trouvaient également. Ces dernières se prostituaient via « Redlights ». Le contrat de bail signé prévoyait un loyer de 50 euros la journée. La prévenue venait récupérer le loyer de la première dame toutes les semaines et celui de la deuxième tous les jours.
Une lecture des téléphones des victimes et des prévenus (notamment des conversations WhatsApp) a été réalisée. Un contrôle effectué dans le bar à champagne à Lede appartenant au couple a permis de découvrir deux personnes trans(genres) thaïlandaises en situation irrégulière, qui y recevaient leurs clients. Elles géraient seules la publication de leurs annonces et pouvaient garder l’argent de leur prostitution.
Lors d’une perquisition au bar à Lede, une autre personne en situation irrégulière a été découverte. Elle avait un document de séjour valable uniquement pour l’Italie. Elle louait une chambre 50 euros par jour et s’y prostituait. Elle avait découvert l’adresse via une annonce sur « Redlights ». Elle recevait ses propres clients et elle partageait la moitié des gains avec la prévenue lorsque cette dernière lui envoyait des clients reçus à son bar sans passer par des annonces.
Il ressort d’une enquête de téléphonie qu’une dernière personne travaillait au bar. Elle a déclaré avoir été recrutée par la prévenue et s’y être prostituée selon un horaire de 18h à 6h. Elle gagnait 40% de ce que le client commandait en boissons. Pour les contacts sexuels, elle demandait 100 euros pour une demi-heure et 150 euros pour 1 heure. Elle gardait pour elle la moitié des gains. Il lui est arrivé une fois de réaliser une mission d’escorte pour la prévenue à Alost. Elle a reçu 200 euros et remis 50 euros à la prévenue. C’est cette dernière qui fixait les prix et les sommes lui étaient remises par les clients.
Le prévenu, belge, est propriétaire du bar à champagne à Lede. Il publiait les annonces de chambres à louer sur « Redlights » et prenait en charge leur location, tant à Lede qu’à Ostende. La prévenue, belge née à Haïti, est travailleuse du sexe et indépendante. Elle a reconnu avoir également loué les chambres à Ostende et Lede. Une perquisition a été réalisée au domicile du couple où la somme de 4.140 euros a été retrouvée dans le portefeuille de la prévenue.
Concernant la prévention de trafic, le juge a pris en compte les éléments suivants : le couple avait connaissance du fait qu’ils louaient les chambres à des personnes en séjour illégal car ils en avaient été avertis par leur comptable à plusieurs reprises ; ils louaient principalement à des personnes d’origine étrangère ; ils n’avaient pas fait signer de contrat de bail ou n’avaient pas exigé que le registre national belge y soit rempli ; ils demandaient le paiement des loyers en cash ; et les loyers réclamés n’étaient pas conformes aux prix du marché. Le juge a condamné les prévenus pour avoir facilité le séjour illégal de leurs locataires, en facilitant leur prostitution, en vue d’obtenir un avantage patrimonial. Le juge a requalifié les préventions, requises par le ministère public, de rétention en vue de la prostitution et de tenue d’une maison de prostitution, en prévention de proxénétisme suite à la réforme du droit pénal sexuel. Il a pris en compte les éléments suivants : le fait que les annonces de chambres à louer aient été publiées sur « Redlights » à destination des travailleurs du sexe ; et l’avantage économique anormal tiré des loyers exorbitants perçus. Les prévenus ont été condamnés à un emprisonnement d’un an et à une amende de 48.000 euros. Un montant de 4.140 euros a été confisqué à la prévenue.
Ce jugement a fait l’objet d’un appel.